26^5
08T3
1913
iMàri MpUE^-EON, Alfred VERCOURT et Jean BEVER ^
^- ^^ —
Le Tampon du Capiston
VÎiudeville militaire en 3 actes
Créé au Théâtre Déjazet, le 20 Septembre igiS
Version conforme au théâtre
3* Edition
^ Prix net ; 7 fr. ^
NOTA. — Il oxisle au même prix une édilion
pour théâtre d'amateurs et soirées de tarai Iles
PARIS
L. BILLAUDOT, Editeur
14. "Rue de l'Echiqwer, Varis {X'-)
Tous droits d'txécutioii publique et de reproduction réservés pour tous pays
N. B. — Toute copie a la main ou reproduction des rôles est
forinelleii.ent interdite par la loi et passible d'amende .
Copyright April 1918, by Mouëzy-Hon, Vci'îourt et Bever
irx-
BÂRBFS. MOUSTACHES, PERRUQUES
SOT A — 1, ,.H(f canpter dix jours pvw la livraison dê>
Barbes ft l'erruqt/rs. Joindre eu plus ifr.5() pour chaque
perruque co:nvu: frais de port et d'etubi^ilage quand
celles-ci devront être envoyées par la poste.
Nez canon toilo^ loulcs nuances. . . Chaque genre. 2 »
Colle pour co'.Ior les nionsoclies sur Kaze . Le tiacon. 2 •
Barbes av«;c Moustaches Moutcs nuances, hien indi-
quer la nu;M).-e). sur f^azo tille (!e viile (à coller) . . 22 50
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Fer à cheval 5 „
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Impériale sur tulle, barbiche, mouche 1 25
Perruques de Chauve. . . u en crêpé 20 •
— Curé. ... "0 _ 2U »
— Paysan . . C __ 20 .
— Soldat. . . J -. 20 .
DcDiestique- £ — 20 »
— Vieux beau * _ 22 »
— Gonanaeux '^ _ 20 »
Breton . t -_ 22 50
— Vieillard {.ris J _ 22 »
— Savant-Vieillard
blanc . . ^ -_ 22 50
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— Pitre, Clown. i* _ 27 «
— Louis XIII. ' crêpé. 21 .
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LE TAMPON DU CAPISTON
V«ud« Tille militaire en 3 «cte»
Dl
Aniré MOUËZY-ÉON, Alfred VERCOURT et Jean BEVEB
U? '3
/'.v^v 'i i^ 4y^^
PERSONNAGES
COCHU, ordonnance Médt.
LE CAPITAINE REVERGHON . . . Charlier.
LE COMMANDANT FOURCADET Coradin.
LORMOIS, chasseur Aldebert.
MAITRE POUPONET, notaire .... Grandet.
PASTINI, maréchal des logis rengagé Dechambre.
BRIFFOTEAU, chasseur Melville.
MICHONDARD, chasseur Dinet.
HORTENSE Germaine Étt.
YVONNE a. Dancen Y.
MÉLANIE Géo Suisser.
LE TAMPON DU CAPISTON
ACTE I
(Le salon du capitaine Reverchon.)
(Au fond, un peu vers la droite, une grande fenêtre
donnant presque de plain-pied sur la rue. Un peu à gau-
che, une porte donnant sur le vestibule. Entre la fenêtre
et la porte, un piano droit. A gauche, une porte conduisant
aux chambres d'Hortense et d^ Yvonne. A droite, une
porte donnant sur la chambre du capitaine. A droite, une
table sur laquelle est posée une jardinière, où pousse un
hortensia. Des chaises. Une servante au deuxième plan
gauche. Premier plan gauche, un canapé avec coussins^
Aux murs, tableaux et panoplies. Un lustre.)
SCÈNE I
LE CAPITAINE, HORTENSE, YVONNE
(Au lever du rideau, Hortense tenant un morceau de
de musique à la hiain, chante, accompagnée par Yvonne,
qui est au piano, et par le capitaine, qui joue de la flûte
devant son pupitre.)
Hortense, chantant
{Air : Le Pré aux Clercs)
Rendez-moi ma patrie ) , .
Oa laissez-moi mourir ! )
(Le capitaine souffle dans sa flûte^ sans s*occuper du
4 tR TAMPON DU CAPISTOR
Yvonne, s* arrêtant de jouer
Oh I non, papa, non, ce n'est plus possible, tu joues
faux.
Le capitaine, debout, s'arrétam de jouer
,. Coniment, je joue faux ?
Yvonne
Na »rellement, tu vas plus vite que moi. Tu ne peux
pas te faire à l'idée que la flûte et le piano doivent
ob'Tver la même mesure.
Le capitaine
pourquoi, la même mesure, quand le piano est une
petite fille et que la flûte est capitaine ?
Hortense, qui a tenu sa note pendant ce temps-là
Vous n'avez pas fini de vous chamailler au moment
où je venais de réussir mon la bémol ?
Yvonne
Alors, recommençons, vous êtes prêts ?
Le capitaine
t Oui.
Yvonne
Une, deux, trois... (Yvonne recommence à jouer du
piano. Le capitaine souffle dans sa flûte avec plus de
calme.)
Hortense, détonnant
Rendez-moi ma patrie i j.
Oa laissez-moi mourir I )
Le capitaine, cessant de jouer
Oh ! là, là I (A Yvonne.) Laissons-la mourir, mais]
<î»e ça finisse I
LE TAMPON DU CAPISTON &
HoRTENSE, s'arrêtant
Qu'est-ce que vous avez ?
Yvonne, qui s^est levée
Tu détonnes, ma tante I
HORTENSE
Je détonne, moi ?...
Le capitaine
:jijajii[tt-^ Oui... tu détonnes de t'étonner I... Non... tu t'étonnes
de détonner I
HoRTENSE, vexée, passe à gauche
C'est bon, je ne chante plus...
(Elle s^assied sur le canapé et s^évente avec son mou'
choir.)
Le capitaine, gagne le milieu
1 — Tu tâcheras d'être plus en voix demain pour roucou-
ler devant le commandant...
Hortense
J'ai peur que l'émotion me paralyse mes moyens...
Depuis que tu m'as appris que le commandant aspirait
à ma main...
Le capitaine
Il y aspire, c'est certain... Il ne me l'a pas encore
demandée positivement, mais il ne saurait tarder à se
déclarer... (Hortense soupire.) Pourquoi soupires-tu ?
Hortense
L'idée de dire adieu à ma vie de jeune fille... (Se
levant, en colère, au capitaine qui pouffe.) Je ne suis
pas une jeune fille ?
Le capitaine
jmjgrmm. Si, si... Tu es une vieille fille...
LE TAMPON DU CAPISTON
HoRTENSE, outrée
Comment ?
Yvonne, redescendant au milieu, et conciliante, à
Hortense
Papa veut dire que tu es une jeune vieille fille.
(Elle remonte.)
Le capitaine
Enfin, telle que tu es, tu as encore de très beaux
restes, et je suis ravi, pour ma part, que tu aies fait la
conquête du commandant... (Se frottant les mains.)
Non seulement tu vas être casée, mais cette alliance
m'aidera à décrocher mon quatrième galon...
Hortense, soupirant
Un commandant, ce n'est pas ce que j'avais rêvé î
Le capitaine
^ Mazette... Tu es difficile... qu'est-ce qu'il te faHait ?
Un général de corps d'armée ?
Yvonne
Le commandant est encore très bel homme, malgré
sa cinquantaine.
Hortense, avec une moue
Un commandant gagne cinquante francs par jour |
Le capitaine
Pour toi, il n*y a que l'argent qui compte ! (Yvonne
remonte au piano.) Mais je te préviens, je n'admettrais
jamais que tu épouses par intérêt quelque nouveau
riche indigne de notre famille...
Hortense
Rassure-toi I...
te tampon du capiston 7
Le capitaine
Un Monsieur Durand ou Dupont de Château-Gon-
tier, ce trou où nous végétons depuis si longtemps.
HORTENSE
Quand on a l'argent on a tout le reste.
Le CAPITAINE
Nous savons que tu n'attaches pas tes chiens avec
des cervelas. Mais, comme Rothschild ne t'a pas remar-
quée, je t'engage à ne pas rater ce parti-là si tu ne veux
pas mourir comme Jeanne d'Arc...
HoRTENSE
Sur un bûcher...
Le CAPITAINE
Mais non.., pucelle ! (Il remonte à son pupitre.)
HoRTENSE, vivement, en le suivant
Pucelle !... Oh 1 non ! tout, mais pas ça 1 C'est entendu,
Hector, j'épouserai le commandant. (A part, et repre-
nant son morceau de musique) Vierge ou martyre 1
(Le capitaine se remet à son pupitre et Yvonne au
piano.)
Le CAPITAINE
Attention ! Une, deux, trois...
HoRTENSE, chantant
Rendez-moi ma patrie i ^^
Ou laissez-moi mourir l S
Le CAPITAINE
Ça va, ça va ! Et surtout la chute du morceau, soigne
la chute !
(A ce moment paraît Cochu qui entre de droite, portant
une pile de linge, si haute, si haute qu^elle Vempêche de
9 LE TAMPON DU CAPISTON
foir devant lui. Au moment où le capitaine dit : « Soignom
la chute », il heurte ce dernier et laisse choir le linge qui
tombe sur le pupitre.)
SCÈNE II
LES MÊMES, COCHU, MÉLANIB
HoRTENSE, gagnant Vextrémité gauche
L'idiot 1
(Yvonne s^est arrêtée de jouer et s^est levée, pendant
le dialogue qui suit.)
Yvonne, se levant
Le maladroit !
Le capitaine, debout et qui a placé sa fliUe
sur le pupitre
"ous ne pouvez pas faire attention, crétin !
CoCHU
Pardon... Excuse, mon capitaine... La pile était trop
l'haute !
Le capitaine, descendant à droite
^ Quoi ?
CocHU, tremblant
Il y avait trop de linge dans la pile !
Le capitaine
•■ Tu n'avai.« qu'à en mettre moins, abruti I
CoCHU
C'était pour pas faire deux voyages !
Hortense
En attendant, vuilà un blanchissage à recommencer...
(Ramassant un pantalon.) Oh ! mes pantalons...
LE TAMPON DU CAPISTOM !>
(A Cochu, furieuse.) Dans quel était avez-vous mis
mon trou-trou.
Cochu
S'il vous plaît ?
HoRTENSE, brandissant le pantalon
Mon trou-trou, là... Vous ne savez pas ce que c*est ?
COGHU
C'est l'ouverture du phalzar...
HORTENSE
Mais non, imbécile, c'est de l'entre-deux...
Cochu
De Tentre-deux, quoi ?
HoRTENSE, crispée
Oh I Cet ordonnnace est vraiment trop bête I
Le capitaine, à Cochu
Eh bien I qu'est-cp que vous attendez pour ramasser
tout ça ?
Cochu, se précipitant
Voilà, mon capitaine... (Au fur et à mesure qu'il
ramasse une pièce de linge, il en laisse retomber une
autre. A part.) C qu'il y en a, bon Dieu 1 c' qu'il y en a l
HORTENSE
Eh bien, hâtez-vous 1
Cochu
Je m'hâte, Mademoiselle... Je m'hâte... {Il se baisse.
à part.) C'est pas possible, il en pousse I
Yvonne, à Cochu
Attendez, mon ami, je vais vous aider...
(Elle ramasse le linge.)
lO LE TAMPON DU CAPISTOB
COCHU
Merci, Mademoiselle...
HoRTENSE, à Cochu
Relevez- vous, grand serin I (Cochu obéit.) Là...
tendez les bras 1 (Aidée ci' Yvonne, elle empile sur les
bras de Cochu le linge qu' Yvonne lui passe.) Et ne bougez
pas, surtout...
Cochu, craintif
C'est que j'ai envie d'éternuer...
Le capitaine, menaçant
Si tu éternues, tu auras deux jours !
Cochu, comprimant son éternuement
Bien, mon capitaine...
HORTENSE
Et maintenant suivez-moi, vous m'aiderez à ranger
ça dans l'armoire...
(Elle sort la première à gauche.)
Cochu, la suivant
Mademoiselle... des fois que vous auriez la bonté de
me moucher... (Il sort à gauche.)
Yvonne, riant
Pauvre Cochu.
Le capitaine
Ah 1 celui-là... Il n'a pas inventé la machine à matri-
culer I
MÊLANTE, entrant du fond
Le secrétaire de Monsieur est là.
Le capitaine
\h ! Lormois... qu'il entre...
LE TAMPON DU CAPISTON 11
(Il se dirige vers la table. Mélanie sort par U fond et
livre passage à Lormois.)
SCÈNE lïl
YVONNE, LE CAPITAINE, LORMOIS
(Lormois^ type de soldat pommadé, tenue de fanlaisiCy
extrêmement chic, allure précieuse, un peu poseur,
entrant, sa main gauche cachée derrière son dos, une
liasse de papiers dans une serviette sous son bras droit.
En même temps que les papiers, la serviette doit contenir
une lettre.)
Lormois
Mon capitaine... (Salut militaire. A Yvonne.) Made*
moiselle, mes hommages...
Yvonne, baissant les yeux
Bonjour, Monsieur Lormois...
Le capitaine
Bonjour, mon ami, bonjour... Quoi de neuf aujour-
d'hui ?
Lormois, tendant les papiers au capitaine
Ces papiers à signer, mon capitaine.
Le capitaine
Bigre 1 II y en a quelques-uns !... Bon, donnez...
(Les prenant.) Attendez ici que j'aie fini... (Il s'assied
à la table, y pose les papiers, s'installe devant une chaise
et commence à signer les papiers.)
Lormois, allant à pas de loup vers Yvonne qui est au
fond, à droite. A mi-voix
Mademoiselle Yvonne, voulez-vous me permettra
de vous offrir quelques-unes de vos sœurs ?...
IJ LE TAMPON DU CAPISTON
(Il lui tend un bouquet de violettes qu'il cachait derrière
êon dos.)
Yvonne, à mi-voix, prenant le bouquet
Monsieur Hyacinthe, vous êtes un flatteur...
LORHOIS
Quand pourrai-je vous voir autrement qu*à la déro-
bée... entre deux portes ?...
Yvonne
Quand papa vous aura accordé ma main.
LORMOIS
Je tremble de la lui demander... Il est capitaine, je
suis simple soldat...
Yvonne
Monsieur Hyacinthe, vous êtes un poltron... Cette
situation ne peut se prolonger... Vous allez faire votre
demande immédiatement...
LoRMOis, résigné
Si vous l'exigez... (Enlevant son képi et s^ avançant
çers le capitaine.) Mon capitaine, voulez-vous me per-
mettre de vous adresser une requête personnelle ?
Le capitaine, sans lever la tête de dessus ses papiers
Oui, mais faites vite.
LORMOIS
Hum !... Hum... Mon capitaine, bien qu'il y ait entre
vous et moi l'abîme de la hiérarchie miHtaire, je viens,
poussé par un sentiment puissant...
Le capitaine
^iseUstSSL,. Bon Dieu que c'est long ! que c'est long !... (Regardant
les cheveux de Lormois et allant à lui.) Oh ! mais ça
LE TAMPON DU CAPISTON 13
aussi, c'est long, mou bon ami, beaucoup trop long
même...
LoRMOis, qui ne comprend pas
Quoi donc, mon capitaine ?
Le capitaine
Ces cheveux-là... Ils ne sont pas à l'ordonnance...
LORMOIS
Mon capitaine m'excusera, c'est... c'est...
Le capitaine
C'est deux jours pour les cheveux, vous n'avez droit
qu'à deux centimètres et les vôtres en ont douze...
Vous m'êtes très sympathique... Je regrette infiniment..
(Retournant à sa place.) Mais que voulez-vous, mon
brave, c'est le règlement... (Assis à la table.) Mainte-
nant continuez, je vous écoute... (Il se replonge dans
3es paperasses.)
LoRMOis, abasourdi
Hum ! hum I (A Yvonne.) Mademoiselle... vou**
voyez... Ça n'est pas le moment...
Yvonne
Si, si... Mais ne vous emberUficotez pas dans vos
phrases.
Le capitaine, à Lormois^en continuant de signer les pièces
Eh bien, Lormois ?
LoRMOis, mettant ses gants de daim
Mon capitaine, mon vœu le plus cher serait que vous
consentissiez à m'accorder...
(Ce disant, il fait un geste de sa main droite qui est
gantée de daim.)
14 LE TAMPON DU CAPISTON
Le capitaine, relevant la tête et voyant les gants
f Deux autres jours, mon petit Lormois, je vous accorde
deux autres jours..
LORMOlS
Quoi ?...
Le capitaine
Pour vos gants de peau :1e simple cavalier n'a droit
qu'aux gants moufles en laine bleue ; le veau et le
daim sont réservés aux ofliciers... Vous m'êtes
très sympathique... Je regrette infiniment, mais que
voulez-vous, c'est le règlement. D'ailleurs, que cela ne
vous empêche pas de continuer votre petite histoire...
(Il se remet à signer les pièces.)
Lormois, de plus en plus abasourdiy reculant vers Yvonne
Mon capitaine, vous êtes trop bon, mais je craindrai^
d'abuser.
Yvonne
Mon pauvre Hyacinthe... Il faudra recommencer
demain...
Lormois
C'est ça... j'attraperai encore quatre jours... Pour
peu que je demande votre main tous les matins, je
finirai par faire cinq ans...
Yvonne
Eh bien alors, parlez tout de suite... Un peu d'énergie,
que diable 1
(Pendant ces quelques mots, le capitaine prend la lettre
contenue dans la serviette et la lit.)
Lormois
Au fait, vous avez rai.son, plus de tergiversation.
Vous allez voir... (Allant hardiment au capitaine.)
Mon capitaine, j'ai l'honneur da vous demander
LE TAMPON DU CAPISTON
Le capitaine, avec éclat
Sacré mille millions de tonnerre de bon Dieu 1
(Lormois recule^ épouvanté, au fond.)
Yvonne
Qu'y a-t-il, papa ?
Le capitaine, brandissant une lettre
Il y a une lettre du commandant, que cet animal a
)ublié de me signaler...
Lormois, balbutiant
En effet, mon capitaine, je...
Le capitaine, lisant sans Vécouter
« Mon cher capitaine, je ne suis pas libre demain.
Je viendrai donc aujourd'hui à cinq heures prendre la
tasse de thé que vous m*avez offerte. Mes respecteueux
hommages à M"® Hortense. Votre : Commandant
Fourcadet... » Cré nom 1 à cinq heures ! Mais c'est
dans vingt minutes !... Eh bien, nous sommes frais I
(Appelant.) Hortense ! Hortense I
(Yvonne vient près du piano.)
SCÈNE ÎV
LES MÊMES, HORTENSE
Hortense, entrant par la gauche et descendant
Quoi ?... Qu'est-ce qu'il y a ?...
Le capitaine, affolé
Il y a... Il y a... que le commandant sera ici dans un
quart d'heure et que nous n'avons rien de prêt.-.
(Il va à V extrême droite. )
16 LE TAMPONDU CAPISTON
HORTENSE
Dieu du ciel I
LORMOIS
Mon capitaine, je ne veux pas ttre importun, mail
ce soir... j'ose espérer...
Le capitaine, allant à Lormois et le poussant vers la
porte du fond
J'ose espérer que vous allez débarrasser le plancher,
mon jeune ami... Commandant, thé, fiançailles...
N'oubliez pas de passez chez le perruquier et de faire
vos quatre jours... (Retenant à la table.) Vous m'êtes
très sympathique...
Lormois, essayant de saluer
Mesdemoiselles... mes respectueux...
Le capitaine, furieux, revient vers Lormois et le faisan
pirouetter
' Allez... ça va... ça va... (Il le pousse dehors.) Vous
m'êtes très sympathique, mais foutez-moi le camp I
SCÈNE V
LES MÊMES, moins LORMOIS, puis M.ÉLANIE,
puis COCHU
Le capitaine
Mes enfants, nous n'avons pas un instant à perdre...
Il faut que dans quinze minutes nous soyons tous asti-
qués, équipés et prêts à recevoir le commandant.^
Hortense
Hector 1 Je suis toute agitée I
le tampon du capistoif 17
Le capitaine
(Test un tort 1 Du calme I Du sang-froid I... Nous
allons livrer une bataille, il s'agit de la gagner... Soi-
gnons nos avant-postes et couvrons nos derrières. Je
vais changer de i>3intalou. (Appelant.) Cochu 1 Mélanie 1
Mélanie I
MÉLANIE, entrant par le fond
Voilà, Monsieur...
Le CAPITAINE
Courez immédiatement. (Mélanie quitte la scène en,
courant.) Eh bien ! où allez -vous ? (A Mélanie qui re-l
fient.) Courez chez le boulanger, vous achèterez crois-!
sants, gâteaux à la crème, babas, toute la boutique,
je m*en fiche, achetez toute la boutique...
HoRTENSE, à Mélanie
N'épargnez rien... Voilà trois francs...
MÉLANIE
Trois francs !
Le CAPITAINE
iiHiarr Hep ! Et surtout n'oubliez pas de rapporter une
flûte I L'ordonnance du commandant m'a dit qu'il ado-
rait ça avec le thé !
HORTENSE
Vous mettrez la flûte au four, pour qu'elle soit rôtie
à point.
Lf CAPITAINE, à Mélanie
mUÊsmie: Allons, demi-tour... et au trot I
MÉLANIE, sortant par le fond
Trois francs pour toute la boutique I
Le CAPITAINE
Et Cochu ?... Qu'est-ce qu'il fait encore, celui-là ?
Cochu I Cochu !
IS LE TAMTON DU CAPISTON
CocHU, arrii'ant d^un pan Unt, de gauche
Voilà, mon capitaine.
Le capitaine
, Qu'est-ce que tu fabriquais dans la cuisine ?
CoCHU
Mélanie m'a dit de surveiller son pot-au-feu... noon
capitaine.
Le capitaine
Surveiller son pot-au-feu... qu'est-ce «^ue ça veut
jire ?...
CoCHU
Sais pas, mon capitaine... Je regardais monter les
yeux du bouillon...
Le capitaine, Vimitant
Je regardais monter les yeux du bouillon. Ce garçon-là
êst Pandouille la plus réussie de mes escadrons I
( Yvonne arrange la table et les chaises et gagne
^extrême gauche pour sa réplique.)
CoCHU, qui est revenu à Horttnse
Oui, mon capitaine.
Le capitaine
p> Taisez-vous I
HORTENSE
Écoutez-moi bien, espèce de propre à rien I Vous
aller tout de suite sortir le service à thé, le beau, celui
à fleurs, vous essuierez les tasses...
CoCHU
Avec un torchon propre ?...
LE TAMFO^ DU CAPISTON 19
HoRTENSE, furieuse, levant les bras. Le capitaine lèpe les
épaules et remonte au fond, à droite
Naturelle Tiient, pas avec un sale... Puis vous ébouillan-
terez la théière...
CocHU, interrogateur
Je la bouillanterai... Avec quoi ?
Le capitaine, redescendant vers Cochu
Avec de l'eau bouillante, abruti 1 Pas avec de la
glace pilée.
HORTENSE
Ensuite, vous donnerez un coup à la servante.
Cochu
Je veux bien essayer, mais elle va me flanquer une
tarte.
(Yvonne va à la servante.)
HORTENSB
Qui ça ?
CocHU
La servante, donc... Mélanie...
Yvonne
Il ne s'agit pas de Mélanie, mon pauvre ami... La
servante c'est ce meuble-là. (Elle désigne la servante.)
Hortense, allant à Cochu, et bien sous son nez
Quel idiot ! Quel crétin ! Quelle cruche I Quel âne I
Cochu, tremblant
Oui, Mademoiselle...
Le capitaine
Calme-toi, Hortense, et va t'habiller ... Laisse-moJ
aire... Il faut le prendre- par la douceur...
10 LE TAMPON DU CÀPISTON
HoRTEPfSE, sortant à gauche
Cette brute m'a mis les nerfs dans un état I
Le capitaine, à Cochu
Écoute, Cochu. Tu vas me brosser les rideaux, me
cirer le plancher, me laver les carreaux, m 'astiquer les
lK)utons de portes et les cuivres de la cheminée, me
batti'e les fauteuils, me secouer les tapis, me ramasser
les livres qui traînent, me jeter les fleurs fanées et m'en
mettre des fraîches dans les vases... (Yvonne i>ient à la
table.)
Cochu
C'est tout, mon capitaine ?
Le capitaine
C'est tout... Et arrange-toi pour que ce soit fini
avant l'arrivée du commandant, sans quoi je te consigne
jusqu'à la gauche... (Il sort à droite. Toute la scène V,
jusqu'à la sortie du capitaine^ doit être jouée dans un
mouvement très rapide.)
Cochu, à part
Y a du bon... (A Yvonne.) Mademoiselle n'a pas
d'ordre in me donner ?..,
Yvonne
Non, mon ami. ..Vous avez assez de besogne comme ça
Cochu
Non, menteuse 1... Oh ! pardon. Mademoiselle... Je
vas chercher mon balai... (Il va vers la porte du fond,
puis revient vers Yvonne.) Et dire qu'il y en a qui rem-
pilent. (En sortant au fond.) Maladie !
Y YONNE, seule, allant à la servante
Quel phénomène, que cet ordonnance ! (A ce moment
Maître Pouponet^ notaire, tape au carreau de la fenêtre, i
lE TAMPON DU CAPISTOW 21
SCÈNE VI
YVONNE, MAITRE POUPONET, puis MÉLANIE
Yvonne, se retournant et allant à la fenêtre
Tiens ! Mais c'est M» Pouponet, le notaire... (Ouvrant
la fenêtre.) Vous désirez, Monsieur ?
Maître Pouponet, à la fenêtre
Excusez-moi de vous déranger, MademoiseUe, mais
je suis extrêmement pressé, j*ai une communication
à faire au soldat Lormois. J'arrive du quartier. On m'a
dit que son service le retenait ici...
Yvonne
En effet, Monsieur, mais il vient de partir...
Maître Pouponet
Savez-vous dans quelle direction, MademoiseUe ?
Yvonne
Du côté de l'église.
Maître Pouponet
Je vous remercie infiniment, Mademoiselle, je vais
essayer de le rattraper... Au revoir, MademoiseUe.
Yvonne, retournant à ui fenêtre
Au revoir. Monsieur.
MÉLANIE, entrant du fond, les mains chargées de paquets,
et vient à Za table
Voici les gâteaux... Je les ai pris à crédit, parce que
ce n'est pas avec les trois francs de M"« Hortense...
Yvonne
Vous avez bien fait Mélanie... Disposez-les dans les
assiettes... Je vais 'habiUer... (EUe sort à gauche.}
22 LP. TAMPON DU ÇAPISTON
MÉLANIE
Bien, Mademoiselle... (Elle reporte les gâteaux sur la
servante et place les choux à la crème sur la petite table
n° 2. Elle cvmvience à mettre les gâteaux dans des assiettes.
La f.or:e du hnd s'ouvre. Paraît Cochu, qui a mis un
tablur bUu et qin porte une immense tête de loup. Il fait
plusifuis tertatwes^ pour rentrer, mais chaque fois le
maïuhe de la téie de loup se heurte au liaut de la porte.
Apres un efjuri brusque^ il arrive enfin à entrer avec un
iracas épouvantable.)
SCÈNE Vil
MÉLANIE, COCHU
Cochu, descend à droite
Aie donc I
MÉLANIE, se retournant avec un cri
Ah ! fais'attention I
Cochu
C'est ma tête que je viens de cogner sur la porte...
MÉLANIE, compatissante
Tu as dû te faire mal ?
Cochu
Mais non, c'est pas ma tête à moi, c'est celle du loup...
{Il fait la montre.)
MÉLANIE
A la bonne heure
Cochu, va poser la tête de loup sur le piano
Faut que je fasse le salon à fond, ordre du capitaine.
i.E TAMPON DU CAPISTON 25
MÉLANIE
Mon pauvre Cochu, va 1 tu seras donc tout le temps
de corvée ?...
Cochu, passe au numéro 1
Que veux-tu ?... Ma tête attire la corvée comme ceHe
eu loup les araignées...
MÉLANIE, descend à la table de droite
Eh bien I mets-toi vite au travail...
CoGHU, se couchant sur le canapé
Je m*y mets.
MÉLANIE
Comment, tu t'asseois ?... Et ton ouvrage ?
Cochu
Elle est terminée, comme je ne pourrai jamais en
voir la fin, je commence par finir.
MÉLANIE
Quel toupet ?... Je ne te reconnais plus.
Cochu, se levant
Écoute, Mélanie, je vas m'épancher dans tes seins ;
tant plus que je me donne du coton pour contenter le
capitaine et la Hortense, tant plus qu'on m'engueule I
MÉLANIE, venant à Cochu
Ah ça 1 ils ne prennent pas de gants pour te parler...
GOCHU
Surtout la vieille pucelle... (Imitant Hortense.)
I Cochu, abruti, idiot I crétin ! sauvage I âne ! buse !..«
Je vous donne deux jours. »
MÉLANIE
C'est même tout ce qu'elle sait donner, elle est telle-
ment râleuse I
54 LE TAMPON DU CAPISTOÎI
COCHU
Elle écorcherait un pou pour en vendre la peau I...
Dans ces conditions, j'ai décidé de ménager ma consti-
tution délicate... (Il va pour se recoucher sur le canapé et
tombe en arrêt devant les gâteaux.) Eh I dis donc, des
gâteaux I
Mélanie
Ce sont des choux à la crème...
CoCHU, eîi prenant un
Ah ! je rentre dans le chou. (Il le mange.)
Mélanie, remontant un peu et regardant de chaque côté
Prends garde... Si on te surprenait 1
CocHU, la bouche pleine, s^a^sied sur le canapé apc^
Mélanie
Je fais disparaître le corps du délit... Ecoute Mélanie;
il vient de me pousser une idée, comme Ugénie...
Mélanie
Quelle Eugénie ?...
GOCHU
Je ne sais pas... Pour les bonnes idées, on dit les idées,
d'Ugénie... Tu sais que dans quatre mois, je suis libé-
rable et que je veux retourner dans mon patelin pour y
vendre des cochons comme mon père et mes onze frère»
jumeaux ?
Mélanie
Je sais bien... eh bien ?
CocHu
Eh bien 1 j'ai l'idée de demander un congé définitif et
de me tirer des pattes comme qui dirait la semaine pro-
chaine...
LB TAMPON DU CAPISTON 2&
MÉLANIE
Mais ce congé ?... Ce n'est pas le capitaine qui te le
donnera ?
COCHU
Non, c'est le commandant...
MÉLANIE
Le commandant ?
CocHU
Il va venir tout à l'heure... Je vais m'arranger pour
mériter ses félicitations par mon service distinguc-z-et
empressé, et je profiterai de l'occase pour lui introduc-
tionner ma demande.
MÉLANIE
Ce n'est déjà pas si bête 1
CoCHU
Bien entendu, je t'emmène et je t'épouse en arrivant...
MÉLANIE
Mais tu m'a dit que ton père ne te laisserait pas pren-
dre une femme qui n'aurait pas au moins deux mille
francs de dot...
CocHU
Et après ?
MÉLANIE, se lève
Après ?... Mais, je n'ai pas seulement deux mille
80US I
CoGHU, prenant un deuxième gâteau
T'inquiète pas... Je te les gagnerai, les deux mille
balles de ta dot...
MÉLANIS
Ciomment ça ?
26 LE TAMPON DU CAPISTOIf
COCHU
J'en sais rien, mais je les gagnerai... Je ne suis pas «i
bête cpie j'en ai l'iir...
Mélanie, souriant
Non... un peu moins tout de même I
CoCHU
Enfin I Tu m'aimes comme ça ?
MÉLANIE
Oui, Isidore... et sais-tu pourquoi je t'aime ?...
CoCHU
Parce que tu me trouves beau ?
Mélanie
Non... Parce que je suis jaloase... Et toi, je suis bien
sûre que les autres femmes n'essaieront pas de te pren-
dre à moi...
CoCHU
Qui sait ?
Mélanie
Pourquoi voudrait-on de toi ? Tu es laid... tu n'ef
pas intelligent... tu n'as pas le sou...
CoCHU
J'ai du charme... (Prenant Mélanie dans ses bras.)
Ah I ma Mélanie I
Mélanie, se défendant mollement
Voyons, Isidore ?
GOCHU
Y aurait-il pas moyen, ce soir, comme avant-hier, de
8'entratner un brin pour notre nuit de noces ?...
LE TAMPON DU CAPISTON 27
Voix d'Hortense, en coulisse
Oochu I
MÉLANIE
Attention, on t'appelle...
GoGHU, tenant toujours Mêlante dans ses bras
Mademoiselle ?...
Voix d'Hortense
Demandez donc à Mélanie si elle a pris du lait pour la
thé ?...
CocHU, caressant la poitrine de Mélanie
Du lait ?... Oui, mademoiselle... Elle en a deux boîtes.,
je les tiens dans ma main.
MÉLANIE, se dégageant et allant à table
Allons 1 ça suffit... Il s'agit de travailler pour mériter
le congé du commandant.
CoCHU
C'est vrai !... Préparons la tai>le.
Mélanie, plaçant la table au milieu
Alors, vite, aide-moi...
CoCHU dépliant la nappe et en donnant un bout à Mélanie
A la une, à la deux, à la trois... (Il étale la nappe.)
Ça y est.
Mélanie
Il n'y a plus que les tasses qui manquent, je vais les
mettre. (Elle se dirige au fond.)
GOCHU
C'est ça, moi, je remporte mes outils... (Il prend sa
^éte de loup.) Tu viens ?... (En se retournant aveo le
28 LE TAMPON DU CAPISTON
tête de loup, qu^il porte maladroitement, il renverse la
jardinière.)
MÊLANTE, redescendant
Oh I maladroit, qu'est-ce que tu viens de faire ?
GOCHU
Quoi ?
MÉLANIB
Tu as cassé la jardinière et l'hortensia de M"« Hor-
tense.
CocHU, consterné
J'ai détérioré sa fleur 1... Eh bien ! elle va en faire
un foin.
MÉLANIE, ramassant les débris et les mettant dans son
tablier
Mais ne reste donc pas là comme un empoté, voyons,
aide-moi à ramasser vite les morceaux... Je vais les
cacher à la cuisine.
Voix d'Hortense
Mélanie, mes chichis ?... Où sont mes chichis ?...
MÉLANIE
Allons bon. Mademoiselle m'appelle ! (Donnant les
débris à Cochu.) Tiens, prends tout... Voilà, Mademoi-
selle, je viens... (Elle entre à gauche.)
CocHU, se dirigeant au fond
T'occupes pas du pot, je vas jeter ça aux ordure».
Voix d'Yvonne, au fond
Mélanie.
Cochu, se dirigeant vers la fenêtre
Maladie 1 La petite est dans l'office 1
LE TAMPON DU CAPISTON 29
Voix du capitaine, très près
Cochu ! Cochu !
COCHU
Zut ! Le capitaine !
Voix du capitainb
Eh bien, Cochu ?
Cochu
Ah ! tant pis ! (Il monte sur le tabouret du piano et
jette la plante et les débris de la jardinière dans le piano
dont le couvercle est levé et le referme. Parait le capitaine
par la droite.) Voilà, mon capitaine, voilà. (Il essuyé
le piano avec sa manche.)
LE capitaine, en grande tenue
Eh bien ! qu'est-ce que tu fiches, ici ?
Cochu, essuyant de plus belle le piano avec sa manche
Je finissais le nettoyage à fond du salon, mon capi-
taine.
Le capitaine
t Parfait, parfait... Tiens, attache-moi donc la patte
de mon pantalon... (Cochu lui attache la patte de son pan-
lalon et place la tête de loup dans la main du capitaine,)
Ah ! à la bonne heure, on respire ici... On sent quo
c'est propre.
(Le cupitaine s^ apercevant qu*il a la tête de loup dan$
la main, la jette à terre.)
CocHU, modestement et ramassant la tête de loup
J'ai mouillé le parquet de ma sueur, mon capitaine.
Su LE TAMPON DU CAPISTON
SCÈNE VIII
COCHU, LE CAPITAINE, HORTENSB
puis YVONNE
HoBTBNSE, en toilette tapageuse et trop jeune pour elle,
rentre de gauche, en invectivant Mêlante qui baisse la
la tête.
C'est insensé, ma parole ! Cette fille veut nous ruiner j
Le capitaine
Qu'y a-t-il ?
HORTENSE
Je lui donne trois francs pour payer les gâteaux, elle
en prend pour huit francs vingt...
MÉLANIE
Mademoiselle, le capitaine avait dit d'acheter toute la
boutique...
HORTENSE
Taisez-vous... (Regardant les gâteaux.) Et reportez
moi tout de suite les choux à la crème chez le pâtissier..
MÉLANIE
Bien, Mademoiselle...
(Elle sort en emportant les choux.)
CocHU, à part
Il y en a deux qu'elle ne reportera pas I
HORTENSE
Quant à vous, Cochu, allez, vous beurrerez les croia-
mnls...
CoCHU
Je les beurrerirai, Mademoiselle...
LE TAMPON DU CAPISTON 31
HORTENSE
Et comme Mélanie n'est pas là, vous mettre la flûte
au four.
CocHU, ahuri
S'il vous plaît ?
HoRTENSE, criant
Vous mettrez la flûte au four 1 Est-ce que je parle
français ?
GOCHU
Oui... oui... la flûte...
Le capitaine
mjlHiipjirff" Non ! Crois- tu quelle tourte. (Il parle bas avec Hor-
Unse jusqu^à la sortie de Cochu. Pendant ce temps, Cochu
se dirige vers le pupitre, y prend la flûte du capitaine, et
la contemple longuement face au public.)
Cochu
Mettre ça au four ! Enfin I La Hortense est com-
plètement piquée.
(Il sort au fond en emportant la flûte.)
Hortense, au capitaine, comme finissant une
conversation
Pourvu que cette réception soit réussie I... Quand je
pense que mon avenir en dépend !
Le capitaine
Et le mien donc I
Yvonne, entrant de gauche
Mon père, ma tante... Je viens de voir le comman-
dant qui tournait le coin de notre rue... {Elle va à la
fenêtre.)
3Î LE TAMPON DU CAPISTOIf
HoRTENSE, affolée
Mon Dieu, déjà I Et Mélanie qui n'est pas là I Et les
gâteaux qui ne sont pas sur les assiettes, et les tasses qui
no sont pas sur la table.
Le capitaine
Allons ! Allons ! du calme... Te voilà toute rouge I
Ça ne te va pas I
HoRTENSE, éplorée
Je ne vais pas plaire au commandant !
Le CAPITAINE
Si, si... Tu lui plairas... Assieds-toi là et ne bouge
plus... (Appelant.) Cochu ! Cochu !
(Hortense s^est assise sur le canapé et s^évente.)
Cochu, paraissant au fond
Présent, mon capitaine...
Le capitaine
Cochu, c'est vous qui allez ouvrir au commandant...
N'allez pas faire de gaffe 1
Cochu
Oh I non, mon capitaine.
Yvonne, qui regarde à la fenêtre
Papa, le commandant est à la grille...
Hortense, la main sur son cœur
C'est lui...
Cochu
C'est lui... (Il tombe assis sur le canapé près d^Hor-
lense.)
Le capitaine
Eh bien 1 Cochu ?...
LE TAMPON DU CAPISTON M
CocHU, se levant très vite
Mon capitaine, je suis ému...
fCoup de sonnette.)
Le capitaine, à Cocku
Eh bien, va ouvrir...
Yvonne
Le voilà, papa...
GocHU, affolé
Le voilà, papa I... Euh... mon capitaine... (Fausse
sortie. Revenant.) Que faut-il z'y dire ?...
Le capitaine
^ Que ces dames l'attendent ici... Mais cours donc I
CoCHU
Je cours... (Fausse sortie. Revenant.) Faut-il ôter
mon tablier ?
HORTENSE
Mais évidemment ! Quel abruti I
(Nouveau coup de sonnette.)
Le capitaine
Et au trot !
Cocmj, dénouant son tablier précipitamment
Et au trot... et je dirai au commandant : « Toutes ces
dames sont au salon »... J'ai compris.
f// lance à la volée son tablier qui retombe sur la
figure d'Hortense, et sort par le fond en courant.)
HoRTENBE, suffoquée, se lève, se débarrassant du tablier
qu^elle jette sous le canapé
Oh 1 l'idiot ! la brute !
Le capitaine
.:^À\ est impossible, ce garçon I
i4 LE TAMPON DU CAPISTON
HORTENSE
Il m'a dérangé tous mes chichis... Oh I il me le paiera f
Yvonne, apercevant le commandant qui parait du iond,
suivi de Cochu
Chut I le commandant...
Cochu, entrant en tablier blanc, rectifiant la position et
hurlant
A vos rangs I Fixe !
SCÈNE IX
HORTENSE, LE COMMANDANT, COCHU,
LE CAPITAINE, YVONNE
Le commandant, souriant, sur la porte, à Cochu prM
de la porte et du piano
Repos, mon garçon ! Repos !
(Il donne à Cochu son sabre et son képi.)
Cochu, criant
Vive le commandant I
Le capitaine, furieux
Taisez-vous, imbécile !
Le commandant
Lai.ssez, capitaine, laissez... (Allant au capitaine,)
Je su»s touché de cette démonstration spontanée...
Le capitaine, présentant
Mon commandant, vous connaissez déjà ma sœur
Hortense et ma fille Yvonne...
CocHU, présentant aussi
La v'ià I... la v'ià I...
LE TAMPON DU CAPISTON 85
Le commandant, s^ inclinant
Mesdemoiselles...
CoCHU, se présentant
Et moi, Cochu l'ordonnance.
Le commandant, au capitaine.
Mon cher capitaine, vous êtes un jardinier émérite...
vous cultivez dans la même serre la fleur en bouton...
(Il montre Yvonne.) Et la fleur épanouie. (Il baise la
main d'Hortense.)
HoRTENSE, minaudant derrière le canapé
Oh ! commandant !... C'est délicieux I
CocHU, avec éclat
Un ban !... Une, deux, trois ! Ça lui fait plaisir I
(Le commandant descend à l'extrémité gauche et s'as-
sied sur le canapé.)
Le capitaine, furieux
Mais voulez-vous vous taire, vous !
(Cochu enlève vivement le képi qu'il place sur le piano
et le sabre près de la porte.)
Hortense, à Cochu
Dites à Mélanie d'apporter le thé...
Cochu, descendant
Mélanie est chez le gâteHer, Mademoiselle...
Hortense
Je ne vous demande rien...
Cochu, criant très fort
Elle est allée reporter les gâteaux que vous avez
trouvé trop chers...
(Le commandant se met à rire.)
Hortense, suffoquée, revenant derrière le canapé
Oh!
36 LE TAMPON DU CATISTON
Le capitaine, exaspéré
\'ouloz-vou8 me fiche le camp I
"* COCHU
Oui, mon capitaine 1 Elle l'a dit I Elle l'a dit !
Le capitaine
Et au trot I
.CocHU, avant de sortir
Vive le commandant ! Ça lui fait plaisir I...
(Il sort au fond.)
Hortense
Mon commandant, n'allez pas croire 1
Le commandant, saluant
Laissez donc, Mademoiselle, vous avez là un ordon-
nance original !
Le capitaine
Ah I mon commandant... Ne m'en parlez i;as |
Hortense
Il fait notre désespoir...
Le capitaine
A la chambrée, ses camarades l'appellent la bette-
rave. C'est \ous dire...
Hortense
Nous l'avons pris pour faire le gros ouvrage, mais il
est d'une stupidité décourageante...
Le commandant
Je suis sûr qu'il se formera, avec une maîtresse de
maison telle que vous...
Hortense
Oh 1 Commandant I
le tampon du capiston 37
Le capitaine
Oh I pour ça, ma sœur est une maîtresse épatante I
Le commandant, surpris
Hein ?
Le capitaine
De maison, mon commandant, de maison...
CoCHU, rentrant. Il porte sur un plateau la théière et des
tasses. Criant
A vos rangs, fixe I Le thé... Fixe ! (Se reculant, la
théière à la main.) Un, deux. Un, deux I
(Il change constamment la théière de main, celle-ci
étant trop chaude. Tous se lèvent et se mettent à table.
Criant :) Vive le commandant !
Le commandant, sursautant et se levant
Sacrebleu... Il m'a fait peur...
Le capitaine, à Cochu
: Qu'est-ce qui vous prend... Vous devenez fou ?...
(Yvonne donne une tasse au capitaine et en porte à
Hortense une autre qu'elle pose sur la petite table.)
Cochu
Mon capitaine... C'est pour faire honneur au com-
mandant...
Le commandant, riant et s^asseyant à table
Merci, mon garçon, mais pour me faire honneur il est
inutile de me casser les oreilles...
(Yvonne est à la petite table.)
CocHU, ému
Oui, mon commandant... Merci, mon commandant...
Hortense
Servez le thé, triple buse !... (Cochu ne bouge plus.)
Yvonne, veux-tu sucrer le commandant ?...
86 le tampon du capiston
Yvonne
Combien de morreaux, commandant ?
Le commandant
D'ordinaire je n'en prends pas, mais de votre main,
six morceaux.
(Yvonne sucre le commandant^ puis va en faire autant
à HoHense.)
HORTENSE
Oii 1 Commandant !
Le COMMANDANT, à Hortensc
Si vous m'eussiez sucré, j'en eusse réclamé douze !
HORTENSE
Oh ! Commandant... quelle galanterie 1
CocHU, à Hortense
Gui, il en eusse réclamé...
Le CAPITAINE, à Cochu, qui s^appréte à verser le thé
Mads versez donc !
(Cochu, ému, inonde de thé le cou du commandant.)
Le commandant, criant et se levant
Aie I... Il m'a échaudé !
Hortense, Yvonne et le capitaine, se précipitant
w Oh ! Commandant !
Hortense, à Cochu
Maladroit 1
Le capitaîne
Imbécile I
Cochu, confondu
C'est pas exprès !
LE TAMPON DU CAPISTON 39
Le commandant, s^épongeant le cou avec son mouchoir
Je le pense bien, mon garçon... Mais une autre fois
rappelez-vous ceci : Je ne prends pas de thé pour l'usage
-externe.
(Il se rassied.)
Le capitaine, riant et se rasseyant
Oh ! Charmant 1
Yvonne remonte s^ asseoir
Très drôle !
HoRTENSE, se rasseyant
Déhcieux I
Ce CHU, s^eselaffant
Crevant ! Marrant I
/// se tord.)
Le capitaine, sévère
Assez 1 Crétin î
HORTENSE, à Cochu
Allez chercher la surprise pour le commandant...
Cochu
La surprise ?
HORTENSE
Oui... Ce que je vous ai dit de mettre au lour,
Cochu
Ah 1 bon !... (A part.) C'est une blague qu'elle veut
faire au commandant... (Il sort au fond,)
Le commandant
Une surprise ?... Vous m'intriguez i
HORTENSE
Ah! voilà, commandant... Je suis déjà ao courant de
toutes vos petites gourmandises...
40 le tampon du capiston
Le commandant
Une chatterie ? Je suis sur que vous m'avez réservé
une chatterie 1
CocHU, rentrant, portant sur une assiette la flûle de métal
carbonisée. A part
Si le commandant veut en jouer, ce qu'il va se brûi- r
la gueule.
HORTENSE
Posez ça devant le commanduîit.
CoCHU
Voilà...
Le COMMANDANT, prenait la flûte et se brûlant
Aïe... Mais c'est brûlant. (Il se lève et frappe du pied.)
(Tous se lèvent.)
lîoRTENSE, regardant la fùte
Qu'est-ce que c'est que ça ?
Le capitaine, même jeu
Ma flûte !... Mais c'est ma flûte I
CocHU
Mademoiselle m'a dit de la mettre au four...
Le commandant, furieux, soufflant sur ses doigts
C'est une plaisanterie ridicule, je me suis brûlé h^s
doigts...
HORTENSE
Oh ! Commandant... Je suis désolée... {A Cochu.)
vlnis vous êtes donc plus bête que vos pieds ?
CocHU
Mademoiselle m'avait dit...
«B^SB«^
LE TAMPON DU CAPISTON 41
HORTENSE
De mettre au four la flûte de gruau... âne bâté... et
non pas l'instrument de mon frère 1
^jSllc ça derrière le canapé en passant par-devant.)
Le commandant
Il est énorme, ce garçon-là 1 II est énorme 1
GOCHU
Oui, énorme.
Le capitaine, à Cochu
Desservez, Jocrisse I... Vous serez consigné quatre
jours I
Le commandant
Non, capitaine... Je ne veux pas qu'on le punisse à
cause de moi... Il est plus bête que méchant I (Il
remonte et va près d'Hortense, le capitaine le suit jusqu'au
milieu de la scène.)
CoCHU
Oui, mon commandant... (A part, se replaçant, la
table à droite.) Je lui plais !
HORTENSE
Je suis navrée, commandant... La sottise de cet
animal va faire manquer un petit intermède musical
que nous avions préparé.
Le commandant, devant le canapé
Comment cela ?
Le CAPITAINE, Yvonne au fond
Oui, ma sœur possède un joli soprano... Ma fille
l'accompagne au piano, et moi sur la flûte...
42 LE TAMPON DU CATISTON
I.E COMMANDANT
Eh bien 1 la flûte est frite, mais le piano va sano. ..
•'ccouterai ces demoiselles avec le plus grand plaisir-..
(Il s'' assied sur le canapé.)
HoRTENSE, derrière le canapé
Soit, commandant... Mais vous serez indulgent..*'
.le suis bien émue... (Allant à Yvonne.) Allons Yvonne I
Attaque le prélude... (Hortensc reprend son morceau
ri se place près de la table volante, comme au début,
prête à chanter. Yvonne s'assied au piano. Le capitaine
debout près d'Yvonne. Le commandant (1), Hortense (2),
Yvonne (3), le capitaine (4), Cochu (5).)
CoCHU, à part
Maladie I... La jardinière qui est dans le piano...
(Il essaie de s* esquiver.)
Le capitaine, Varrêtant
Eh bien ! Cochu... Vous n'avez pas fini de desservir
CocHU, à part, redescendant prendre le plateau
C'est pas la flûte... c'est moi qui suis frit...
Le commandant, à Yvonne
Je vous écoute.
"Yvonne, essayant de jouer. Bruit de vaisselle cassée
dans le piano
Oh ! papa... Qu'est-il est arrivé au piano ?
Le commandant
Vous devriez le (aire accorder...
Le capitaine
C'est fantastique 1
LE TAMPON DU CAPISTON 43
HORTENSE
Tout à l'heure encore, H allait très bien 1
Le commandant, se levant et allant au piano
Nous allons voir ce qu'il a dans le ventre... (Regar-
dant le piano.) Sacrebleu ! mais toutes les cordes sont
cassées... (Tirant Vhortensia.) Une plante qui pousse
dedans I Ce n'est pas un piano, c'est une serre I
(Il revient à gauche, le capitaine à droite.)
CocHU, tremblant, à Hortense
C'est pas vrai, Mademoiselle, c'est pas vrai...
Hortense, terrible, allant à Cochu
Qu'est-ce qui n'est pas vrai ?
CocHU, balbutiant
L'« hortenchia » dans le piano... C'est pas moi !
Hortense
Alors que personne ne vous accusait, vous vous
dénoncez vous-même...
Le capitaine
C'est un sabotage inqualifiable 1...
Le commandant, sèchement
En vérité, mon capitaine, je m'étonne que vous ayez
pris à votre service un idiot de cette envergure I
Le capitaine
Cochu, vous entendez ce que dit le commandant ?
Cochu
Oui, mon capitaine...
Le commandant, à Hortense
Mesdemoiselles, je vais vous demander la permission
de me retirer...
44 le tampon dj capiston
Le capitaine
Oh I déjà commandant V
HORTENSE
Sans même prendre un doigt de mnlaga ?
Le commandant
Non, merci... (Montrant Cochu. JU'idïoi serait capable
l'avoir mis dans la bouteille de l'esprit-de-vin ou du
fitriol...
Hobtense
Oh 1 Commandant... Quelle humiliation pour nous 1
GocHU, éploré
Mon com... Mon com-com...
Le commandant
Faites-vous soigner, mon garçon 1 (Il sort, reconduit
par Ilortense, le capitaine et Yvonne.)
CocHi', pleurant
J'ai fait dans les bottes du commandant ! Mon congé
jst dans 1' sieau.
SCÈNE X
LES MÊMES, moins LE COMMANDANT
Hortense, revenant, suivie du capitaine
Hector, tout est perdu...
Le capitaine
J'en ai peur...
IIor.TENSE
Le commandant n'a pas demandé ma main... Et
^ourquo' ne l'a-t-il pas demandée ?
le tampon du capiston 45
Le capitaine
Parce qu'il a été énervé par ces incidents stiipides...
HORTENSE
Et dire que si je reste fille ce sera par la faute de ce
misérable 1... (Elle montre Cocku qui essaie de s* esquiver
sans bruit.)
Le capitaine, terrible
Ccchu 1 Avance à Tordre !
CoCHU, refrénant, à part
Je vas m' faire fusiller I (Devant le capitaine et recti
fiant la position.) Mon capitaine.
Le capitaine
Lm mots me manquent pour qualifier ta conduite.
GOCHU
Oui, mon capitaine...
Hortense, lui parlant sous le nez
Je voudrais que nous fussions encore au temps de
l'esclavage pour vous tenir à ma merci.
CocHU, éperdu
Merci, Mademoiselle...
Hortense
Et pouvoir de ma main vous fouetter jusqu'au
sang I
CocHu
De rien, Mademoiselle... ^
Le capitaine
Tu vas monter prendre tes nippes, là-haut , dans
ta chambre, et filer tout de suite au quartier...
46 LE TAMPON DU CAPISTOW
CocHU, désolé
Mon capitaine me chasse ?
Le capitaine
Non... (Cochu respire.) Je te fous dehors... et ett
attendant je te fous dedans... Ce soir tu coucheras à la
boîte...
CocHU, répétant machinalement
En attendant...
Le capitaine
Ce n'est qu'un commencement... Je me charge de te
recommander à ton heutenant...
Yvonne, descendant
Oh I papa... Ce pauvre Cochu !
Le capitaine
Toi, laisse-moi tranquille... (Elle remonte au fond^
A Cochu.) Demi-tour, pocheté !
CoCHU, à part, en sortant, lugubre
Y a du pied dans la chaussette \(Sort au fond.)
Le capitaine, à Hortense
Allons I Ne te fais pas débile... tout ça s'arrangera...
Hortense, qui pendant cette scène, a trépigné, appuyée
contre la table
Je sens que je vais avoir mes vapeurs... Je me retire
dans ma chambre... (Elle se dirige à gauche.)
Le capitaine
Oui, oui... Ça vaut mieux que de les avoir icL
Yvonne
As-tu besoin do moi, ma tante ?
LE TAMPON DU CAPISTON 47
HORTENSE
Non, non... Reste I (En sortant à gauche.) Vierge I
Je mourrai vierge !
Yvonne, au capitaine
Pauvre tante 1
SCENE XI
YVONNE, LE CAPITAINE, LORMOIS
LoRMOis, entrant au fond
Mon capitaine...
Le capitaine
Ah I c'est vous, Lormois... Qu'est-ce qu'il y a ?
LORMOIS
Mon capitaine, je reviens pour la demande, que
M"* Yvonne a bien voulu m'autoriser... (Il ôte son képi
pour saluer Yvonne. Il a la tête complètement rasée,
Yvonne, en le détaillant, passe 1 et vient devant le canapé.)
Le capitaine, le regardant stupcfait
Qu'est-ce que c'est que cette tête-là ?
LORMOIS
Mon capitaine, vous m'avez dit de me faire couper
les cheveux...
Le capitaine
g^Pas tant que ça, mon ami, pas tant que ça...
Lormois
J'ai cru vous satisfaire, en sacrifiant coraplètemeat
ma chevelure.
48 le tampon du capistoif
Le capitaine
Absurde, mon ami, c'est absurde... Vous êtes affreux I
Hein I Yvonne... Crois-tu qu'il est laid f
Yvonne
Mais je ne trouve pas, moi...
Le capitaine
Eh bien, tu n'es pas difficile... Je n'aime point voir un
homme de mon escadron avec une tête ridicule... Vous
me ferez doux jours de plus, mon petit Lormnis... Vous
m'êtes sympathique... je regrette infiniment... Mais ça
vous servira de leçon... Attendez-moi ici, j'ai un pli à
vous remettre... (Il sort brusquement à droite.)
SCÈNE XII
YVONNE, LORMOIS
Vraiment, Mademoiselle Yvonne, votre père est
désespérant.
YvoNVE, s' asseyant
Je le reconnais...
LORMOIS
Est-ce que je suis si laid que ça ?
Yvonne
Mais non... pas tant que ça... Mais, tout de môme,
mettez votre képi.
LoRMOis, se coiffant
Jamais je n'arriverai à obtenir votre main...
Yvonne
Mais si, Hyacinthe, mais si... Seulement il ne faut
pas vous décourager... (Tendrement.) Si vous m'aimez |
LE TAMPON DU CAPISTON 49
LoRMOis, avec feu. Lui prenant les mains
Si je vous aime... Ah I tenez... je voudrais passer ma
vie à vous lo répéter comme ceci, à vos genoux !
(Entre du fond M^ Pouponet.)
SCÈNE XIII
LES MÊMES, M« POUPONET
M* Pouponet, entrant à droite
La porte était ouverte... (Apercevant Lormois aux
oieds d'Yvonne.) Oh I pardon !
YvoNNi:
Ah 1 (Bas, à Lormois.) Frottez mes bottines... Frot-
tez mes bottines... ( Lormois ^ troublé, prend un coussin
du canapé à sa portée et frotte les bottines d' Yvonne.)
M® Pouponet
Mademoiselle, excusez-moi de vous déranger...
Yvonne
Mais vous ne me dérangez pas du tout, M^ Pouponet,
vous ne me dérangez pas du tout... La posture de ce
soldat vous étonne, je le vois bien... Mais ce soldat est
une ordonnance... notre ordonnance... Et je lui avais
demandé de fair^ reluire mes bottines. (Elle se lève et va
au notaire.)
M® Pouponet
Mademoiselle, je Tavais deviné d'un coup d'œil...
Ce garçon a une tête d'une vulgarité significative...
Lormois, à part, frottaid toujours
Charmant.
50 LE TAMTON DU CAPISTON
M« POUPONET
Figurez-vous, Mademoiselle, que je joue do malheur
en ce moment, je suis retourné à la caserne où l'on
m'a appris que le soldat Lormois était revenu ici...
LoRMOis, cessant de frotter et se relevant
Lormois, c'est moi...
Me PoL'PONET
Ah ! c'est vous, l'ordonnance?... Eh bien I mon ami...
Voix du capitaine
Lormois 1 Lormois I
Yvonne, se levant
Lormois, papa vous appelle...
Lormois
Mais puisque Monsieur le notaire...
Voix du capitai.ne
Eh bien ! Lormois !
Yvonne, le repoussant
Allez vite... Il ne faut pas le mécontenter en ce
moment...
Lormois, à Pouponet
Je reviens dans un instant, Monsieur... (Entrant
à droite.) Voilà, mon capitaine, voilà...
SCÈNE XIV
YVONNE, Me POUPONET, pais HORTENSE
M® Pouponet
C'est ennuyeux, ça... Je suis extrêmement pressé...
J'ai à terminer d'ici ce soir deux contrats, une vente
et un testament in extremis...
LE TAMPOI> UU CAi'ISTO^
51
YVONKE
Ne pourrais-je l'aire la commission à M. Lor... [Se
reprenant.) à l'ordonnance.
i'.i" Poi'PONET
Mon Dieu... à la rigueur...
HoRTENSE, entrant de gauche, descendant
Eh bien ! Yvonne, tu n'es pas encore allée changer
d-e robe ?
Yvonne
Je causais avec M® Pouponet, ma tante...
HORTENSE
C'est cela, et pour le plaisir de bavarder tu risques
d'abîmer une toilette neuve...
Yvonne
Mais ma tante...
HoRTENSE, passe 2, pendant qu* Yvonne se dirige
à gauche
Allons i Dépêche-toi !
Yvonne, en sortant au fond, à part
Pourvu que le notaire ne me dénonce pas 1
Hortense
Bonjour, M« Pouponet... Qu'est-ce qui vous amène ?
M® Pouponet
Je venais annoncer à votre ordonnance une nouvell*'
importante.
Hortense
Une nouvelle à ce rustre ?...
Me Pouponet
Son oncle, M. Costy Duroonteux, vient de décéder...
52 LB TAMPON DU CAPISTON
HoRTENSE, s^asseyant au canapé
La mw\ d'un oncle... Voil.\ qui va laisser ce'Le brute
bien iadiiïéreute I
M* Poupon ET, posant chapeau et serviette sur la petite
table et s^ appuyant dessus
Je crois, au contraire, que cette brute, comme vous
dites, sera profondément intéressée... Jugez-en I Votre
brute d'ordonnance vient d'hériter de sa brute d'oncle
de trois jolis millions bruts !
HoRTENSE, se levant
Trois millions î
M^ POUPONET
En excellentes valeurs... Mais je vous en supplie,
n'en soufflez pas mot à l'intéressé... Le testateur spécifie
qu'il doit être averti seulement en présence de deux
cohéritiers qui habitent la République Argentine ...
Je les ai avertis par dépêche, mais ils ne pourront être
ici avant trois semaines au plus tôt,..
HoRTENSE, confondue
Trois millions ! C'est incroyable !
M« Poupon ET
D'ici là, ce jeune homme doit tout ignorer, sauf qu'il
a perdu son oncle, et c'est ce que je venais lui ap-
pjendie... (Regardant sa montre. )\ Sapristi 11 ne revient
pos et je suis horriblement en retard I
HORTENSE
Si VOUS désirez que je lui annonce la nouvelle de votre
part ?
M* PoUPONET
,Ie vous en serai reconnaissant... Mademoiselle, tous
mes hommages ! (Il sort par le fond,)
LE TAMPON DU CAPISTON 53
SCÈNE XV
HORTENSE, puis COGHU
HoRTENSE, seule, ré use, passant à gauche
Cochu hérite de Iroi millions... Ah ! ça, rr.a's, voilà
un parti plus intéressant que le commandant ! (Réflé-
chissant.) Si je pouvais... Voyons : Les cohéritiers
n'arriveront que dans trois semaines... il ne saura rien
jusque-là... Il n'y a pas de temps à perdre... (Apercevant
Cochu qui entre du fond en tenue, sans tablier, avec un
petit paquet d'effets enveloppés dans un mouchoir d'or-
donnance.)
Cochu, à part
V'ià la poison... Qu'est-ce que je vais prendre encore ?
(Haut.) Oh ! je venais chercher ma brosse à dents...
avec quoi que j' f-ais mes godillots.
HoRTENSE, très aimable
Ah I c'est vous, Monsieur Cochu ?...
Cochu, à part
Monsieur Cochu !
HORTENSE
Approchez, mon ami... Vous vous disposiez à retour-
ner au quartier ?
Cochu
Oui, Mademoiselle... Puisque mon capitaine m'a foutu
dehors...
HoRTENSE
Et moi, Cochu, je vous dis : « Retournez au quartier»
non pas parce qu'on vous chasse... Nous serions trop
heureux de continuer à vous posséder chez nous... mais
54 LE TAMPON DU CAPISTOIf
la situation d'ordonnance n'est pas digne d*un garçon
de votre mérite...
CocHU, ahuri
Ah ?... (A pan.) Elle attige î
SCÈNE XVx
LES MÊMES, LE CAPITAINE, puis MÉLANIE
et YVONNE
Le capitaine, rentrant de droite, vient à Cochu
Ah I c'est toi 1 Triple extrait de gourde I
HoRTENSE, protestant
Mon frère !
Le capitaine, apercevant V hortensia que le commandant
a laissé par terre, après la scène du piano
Qu'est-ce que c'est que ça ?... Avant de t'en aller»
veux- tu me prendre un balai et me balayer ça au trot î
(Il le bouscule.)
CoCHU
Oui, mon capitaine. (Il sort par le fond un instant.)
HoRTENSE
Mon frère, il ne faut pas maltraiter cet homme...
Le capitaine, stupéfait
Comment, c'est toi qui me dis ?
HORTENSE
Tu n'en as pas le droit, et je ne le souffrirai pas.
Le CAPITAINE, qui vient par V extrémité gauche
Ah ! celle-là, par exemple !
LE TAMPON DU CAPISTON 55
CocHU, rentrant du fond avec le balai
Voilà, mon capitaine...
Le capitaine
Allez... et nettoie-moi ça en cinq sec, andouille !
HoRTENSE, s'' interposant
Je te défends de parler sur ce ton à M. Cochu.
Le capitaine
Ah 1 ça, mais...
Hortense
Tu as beau avoir trois galons... un cœur d'homme.
n'en bat pas moins sous ses basanes de simple cavalier.,
un cœur sensible à l'outrage*.
Le capitaine
C'est trop fort I
Cochu, à part
Je rêve I
Le capitaine, à Coéhu
, Eh bien, tu ne m'as pas compris? Veux-tu balayer?
Hortense, arrachajit le balai des mains de Cochu
Non, mon frère... M. Cochu ne balaiera pas... C'est
moi qui balaierai... (Ainsi fait-elle.)
Mélanie, rentrant du // ' et venant à la droite de Cochu
Mademoiselle qui balaie !
Yvonne, rentrant de gauche et descendant
Oh I ma tante 1
Le capitaine, venant au milieu, levant les bras
au ciel
Qu'est-ce qui lui prend ?... Qu'est-ce qu'elle a ?
(Tous regardent étonnés^ Hortense^ qui balaie avec force.
56 LE TAMPON DU CAPISTON
Cochu, du doigt, indique à cette dernière les débris de
fleurs et de mousses de la jardinière cassée qu*il faut
les balayer.)
CocHU, à V oreille du capitaine, après un temps,
confidentiellement
Pour moi, mon capitaine... elle est soûle \
RIDEAU
ACTE il
(Le réfectoire du 89® régiment de chasseurs à cheval.)
Au fond, un peu vers la gauche, une fenêtre donnant
sur la cour, dont on aperçoit un des murs de clôture.
Au fond, à gauche, une porte donnant sur la cuisine.
A droite, une autre porte donnant sur divers locaux de
la caserne, dont le bureau du commandant. De grandes
tables et des bancs. Aux murs, des trophées et des affiches,
que Von a coutume de voir dans les réfectoires.
SCÈNE l
BRIFFOTEAU, MIGHONDARD, chasseurs
(Au lever du rideau, Briffoteau et Michondard nettoient
le réfectoire. Les tables ne sont pas à leur place, les bancs
sont les uns sur les autres. BriffoteoKi balaie mollement.
Michondard fume une pipe. Sonnerie de trompette
* Au fourrier i^.)
Michondard, à Briffoteau
Non, mais sans blague, Briffoteau, tu ne le balaies
pas ce plancher, tu le chatouilles.
Briffoteau
Penses-tu que je vas me fatiguer pour une salle à
manger qui ne m'appartient pas ?
58 LE TAMPON DU CAPISTON
MiCIIONDARD
Ça n'a rien à faire 1 On t'a désigné pour balayer, t'as
qu'à balayer, rien qu'à bala>€r et pas autre chose...
Briffoieau
J'en fouterais pas un coup i On était trois de corvée
avec la Betterave... C'est vrai, pourquoi qu'il n'est pas
là, Cochu ? Je marche pas pour m'esquinter à la place
de c'tfc pochetée...
MiCHONDARD
Tu as raison, il a été assez longtemps le tampon du
capiston, il peut bien être le nôtre...
(Le maréchal des logis Pasiini pousse la fenêtre du
dehors, jette un coup d'œil à Vintérieur du réfectoire et se
dirige vers la porte.)
Briffoteau, qui a aperçu Pastini
Acre ! le inargis !
MiCHONDARD
Bon Dieu 1 C'est Pastini I
Briffoteau
Ce sale Corse qui est nouveau d'hier au peloton..
MiCHONDARD
Un joli Chopin I II m'a déjà puni deux fois en qua-
rante-huit heures ! Tâclie moyen de ne pas faire le
zigoteau devant lui.
(Briffoteau se remet à balayer. Michondard ramasse
les poussières avec un balai et une boite. Du fond, entre
Pastini, type de margis rengagé, rosse. Accent corse,
prononcé.)
LE TAMPON DU CAPISTON **'
SCÈNE II
LES MÊMES, PASTINI
Pastini
Eh bien I brigadier, ce réfétoire, il n'est pas encore
nettoyé, depuis le temps ? C'est un vrai cafarnaurum i
Briffoteau
Mais, margis !
Pastini
Je croyais avoir désigné trois hommes de corvée,
où est le troisième, le dénommé Cochu ?
Briffoteau
Je ne sais pas, margis...
Pastini
Vous devriez savoir... Je suis estrêmement mécon-
tent de cette escouade ! Hein, brigadier, vous entendez
co que je vous parle.
Briffoteau
Mais margis...
Pastini
Il n'y a pas de « mais margis »... (Il passe 1. Briffo-
teau gagne Vextrémité droite.) Le capitaine vient de me
flanquer un poil : il paraîtrait que la nuit dernière on a
encore vu une particulière s'introductionner subrectice-
ment dedans la chambrée... Je vous préviens que j'ai
son signalement : boulotte, pas jeune, gueule peinte,
et que jamais si je la pince dans la caserne je l'enverrais
se faire fatiguer ailleurs I C'est compris ?... Oui ?...
(Briffoteau murmure. Pastini court sur lui.) Quoi ?,„
60 LE TAMPON DU CAPISTON
Qu*esl-ce que vous dites ? Ça va changer... Je vous jure-
ra va changer... (Allant à Micïiondard qui est au fond,
à droite.) Ça va changer. (Il va vers la fenêtre, le dos au
public. Cochu, qui est passé du côté gauche, n*a pas été
PU par Pastini, et entre du fond.)
SCÈNK m
LES MÊMES, GOCHU, puis LORMOIS
Ce CHU, venant à Briffoteau
Zut I Je suis en retard pour la corvée...
Brigadier
Eh bien ! Cochu... Il n'y a plus moyen, alors ?
MiCHONDARD
Alors quoi, y a plus d'amour ?
Cochu
Voilà, j'arrive... mais surtout ne me signalez pas au
nouveau mai gis, il me bouclerait... paraît quo c'est le
dernier des veaux !
Pastini, surgissant, terrible
Comment dit^-s-vous ça ? (Briffoteau remonte vive-
ment au fond surveiller sa corvée.)
Cochu, effaré
Euh... margis... je... C'est pas de vous que je parlais...
Pastini
Non, c'est de ma sœnr... Eh bien! mon garçon, vouj»
m'avei l'air d'une forte tête...
Cochu
Non, margis, ja coiffe tous les képia...
le tampon du c.\l»iston 61
Pastini
C'est ça, faites le loustic pour amuser vos cama-
rades... Et d'abord pourquoi êtes-vous en retard à la
c&rvée ?
COCHU
C'est pas ma faute, margis, c'est rapport à Philo-
mône...
Pastini
Philomèiw ! Vous étiez avec Philomène ?
CoCHU
Oui, margis... Ce matin elle était énervée... Elle me
flanquait des coups de pieds, pendant que je lui épon-
geais les cuisses... Alors...
Pastini
Assez ! Vous n'avez pas honte de vous vanter devant
vos camarades de vos cochoncetés impudiques ?
CoCHU
Mais, margis...
Pastini
Je parie que cette Philomène c'est la vieiHe déver-
gondée qui vient ici racoler les hommes...
CoCHU
Mais non, margis, Philomène c'est la jument d«
capitaine.
Pastini
Ouais... Philomène, vous avez trouvé ça ?... Mais ça
ne prend pas... Je vous aurai à l'œil, moi, le laveur de
Philomène... vous me ferez deux jours... (Passe à
droite.) Et puis, presto, au travail maintenant... Vous
allez me nettoyer ces tables et qu'elles brillent comme
si elles étaient encan tsiquées ! (U remonte au fond.)
62 LE TAMPON DU CAPISTON
COCHU
Bien, margis... (Il crache sur la table gauche, prend
son mouchoir et la nettoie. A part.) Quand on pense que
ce coco-là est Corse, c'est à vous dégoûter de Napoléon I
LoRMOis, entrant de droite, serviette sous le bras
Ah 1 maréchal des logis, je suis content de vous voir...
J'ai porté votre demande de permission chez le ^api-
laine et il l'a signée séance tenante...
P ASTI NI
Ah I je suis bien heureux... Merci, mon ami, merci...
LORMOIS
De rien, maréchal des logis... (Lui offrant un cigare.)
Un cigare pour fêter cette bonne nouvelle ?
Pastini, le prenant
Ce n'est pas de refus... (A part.) II est syinpatliique
ce garçon I (V allumant et tirant une bouffée.) Euh I
Fameux 1
LORMOIS
Je vous crois I Des Henry Clay à deux francs...
CocHU
Crâneur, va ! Cresson 1
Pastini, se retournant sur Cochu
Vous serez privé de permission dimanche, vous, le
frotteur, ça vous apprendra à être grossier avec M. le
secrétaire de M. le capitaine.
LoRMOis, sortant par le fond
Laissez, laissez, maréchal des logis, ça n'a aucune
importance... c'est une betterave. {Cochu s^ctssied à la
table et la frotte mollement. Sonnerie de trompette ;
La corvée de pain ».)
le tampon du capiston 63
Pastini
La corvée de pain sonne ! Allez, brigadier, dégrin-
golez-moi subito en ville à la manutention avec Michon-
• lard et vous rapporterez trente-deux boules...
Briffoteau
Et dans quoi qu'on va mettre le pain, margis, les
sacs à pain sont en reuparation ?...
Pastini
Eh bien! prenez ce que vous vou^^rez, je m'en fous 1
Briffoteau
Bien, margis... (A Michondard.) Viens, toi. (Ils
sortent par le fond, suivis de Pastini. Dès que la porte
est fermée, Pastini se retourne vivement et fixe Cochu qui
le regarde en riant et frotte la table plus mollement.
Un temps.)
SCÈNE IV
PASTINI, COCHU, pui.s HORTENSE
Pastini, à Cochu
Maintenant, cavalier Cochu, à nous deux I
CocHU, lui tendant le torchon
Vous voulez m'aider. Voilà le torchon, margis I
Pastini
Quoi ? qu'est-ce que c'est ! Ah ! Ah ! je suis un veau i
Eh ben! le voau va vous faire travailler comme un bœuf..
Vous allez, figure antipathique, me chercher toutes les
assiettes de la cuisine et me mettre le couvert à toutes
les tables... Je vous préviens en sus que chaque assiette
64 LE TAMPON DU CAPISTON
que vous casserez ça vous coûtera doux jours... Figuro
antipatliique. (Il ça à Vextrêmité droite.)
CocHU, se dirigeant vers le fond à droite
Bien, margis... (A part.) Je m'étais trompé, ce type-là
c'est pas un veau, c'est une vache...
Pastini, le suivant
Allons, courissez ! (Cochu sort à gatiche, poursuivi
par Pastini qui s'arrête dans Cenihra^ure de la porte.
Du fond parait IJortense qui porte un immense bouquet
de chrysanthèmes jaunes qu'elle pose sur la table à droite.)
IIORTENSE
On m'a dit que Cochu était au réfectoire : il faut
absolument que je lui parle ce matin ! Dieu, que je suis
émue I (En coulisse, bruit formidable de vaisselle causée.)
Pastini
Là I Ça devait arriver avec une tourte pareille...
Douze assiettes cassées, ça vous fait vingt-quatre jours
de salle de police ! Espèce de cochon de Cochu. Allez,
ramassez-moi les morceaux, tête de lard ! face d'abruti !
figure antipathique !
HORTENSE
Qu'entonds-je ? C'est à Cochu que l'on parle ainsi I
Oh ! par exemple ! (Apercevant de dos Pastini.) Hé là I
le sous-officier...
Pastini, se retournant
Qu'est-ce qu'il y a ? (Descendant vers Horiense. A
part.) Ah I ça... boulotte, pas jeune, gueule peinte...
Kh mais, c'est la dévergondée...
HORTENSE
Vous venez d'être grossier envers le cavalier Cochu...
Je vous défends d'insuher cet homme, c'est mon protégé.
le tampo.\ du capiston 65
Pastini
Ah I c'est votre protégé I Madame Philomène ?
HORTENSE
Quoi ?
Pastini
Ainsi, vous avez le culot de relancer ici les hommes
jusque dans la journée.
HoRTENSE outrée
Qu'est-ce à dire ?
Pastini
Vous n'avez pas honte, à votre âge, de vous faire
éponger les cuisses.
HORTENSE
Comment ?
Pastini
Allez, ouste 1 Filez, quécotte ! (Il passe à droite.)
Basta, Basta I
HoRTENSE, hors d'elle
Cocotte I II ra*a appelé cocotte !
Pastini
Oui, quécotte I
Hortense
Moi I La sœur du capitaine.
Pastini, tremblant et saluant
Christe la Madona 1 La sœur du ca... ca... (ScUuant.)
Madame...
Hortense
Mademoiselle, goujat I
Pastini, bafouillant
Mademoiselle Goujat... non Mademoiselle I Excusez
mon erreur... On m'avait donné le signalement d'une
66 LE TAMPON DU CAPISTON
crêatnre mal famée dont auquel... vous répondez
comme deux gouttes d'eau...
HORTENSE
Vous ctes un imbécile et un malappris... et si vous
voulez que je ne raconte pas à mon frère la façon dont
vous m'avez traitée, je vous engage à vous montrer de
la plus extrême bienveillance envers le cavalier Cochu,
pour lequel je nourris une estime particulière...
Pastini
Compris, Mademoiselle... Dès l'instant que vous
nourrissez...
HORTENSE
C'est entendu, n'est-ce pas ? La plus extrême bien-
veillance.
Pastin
Oui, Mademoiselle...
HORTENSE
J'ai deux mots à lui dire, faites-le venir ici immédia-
tement. (Elle passe à gauche.)
Pastini, obséquieux et salua?u
Certainement, Mademoiselle... (Allant vers la gauche.)
Cavalier Cochu. (En coulisse bruit de vaisselle cassée.)
Qu'il est drôle ce garçon, il s'amuse à casser toute la
vaisselle I M. Cochu, voulez-vous me faire le plaisir
d'avoir la complaisance de venir un petit peu par ici,
s'il vous plaît...
CoCHU, entrant
Voilà, margis... c'est pour les assiettes... (Aperçeoani
Hortense.) Oh I Mademoiselle Hortense ! Fixe ! (Il u
met au garde à vous.)
LE TAMPON DU CAPISTOIt 67
HORTENSE
Repos, mon ami, repos...
Pastini, descendant
Son ami I II est sympatliique ce garçon... (.Saluant
Hortense.) Mademoiselle, à votre service... (A Cochu.)
Au revoir, Monsieur Cochu, au revoir...
Cochu
Allez à la gare !
Pastini, en sortant à gauche par le fond, à part
Christe la Madonà, la betterave est dans les huiles...
(Jl sort à gauche.)
SCÈNE V
HORTENSE, COCHU
Hortense
Vous devez être bien surpris, Cochu, de me voir et
cette heure au quartier ?
Cochu, étonné
Oui, Mademoiselle.
Hortense
Eh bien ! c'est pour vous que je suis venue...
Cochu
Pour moi ?
Hortense
Oui... ce matin, j'étais dans le jardin, et en voyant ces
beaux chrysanthèmes... (Elle prend son bouquet.) Je
me suis dit : « Ah I il faut que j'en porte un bouquet à ce
brave Cochu... » Voilà... (Riant.) Eh ! eh I eh I... Et
68 LE TAMPON DU CAPISTON
je VOUS Pai apporté... prenez... (Elle lui donne le bou-
quet.)
GocHU, ahuri, prenant le bouquet
C'est pas ma fête... Merci quand même, Mademoi-
selle. (A pari.) Oh 1 Elle n'est pas encore dessoûlée
ce matin !
HORTÉNSE
Vous mettrez ce petit bouquet auprès de votre lit...
il vous dira tout bas ce que je... ce que vous... ce que je...
CocHU, abasourdi, haut
Oui... oui... oui... (A part.) Quelle muffée, mon empe-
reur !
HORTENSE
Je ne sais pas comment vous dire ! Je voudrais que
VOUS me comprissiez... Vous avez devant vous une petite
femme bien émue, Cochu, ayez pitié d'elle... écoutez...
ou plutôt tenez... lisez ces vers, je les ai composés pour
vous... (Elle lui donne un petit papier.)
CoCHU, prenant le papier et posant le bouquet sur la table
Mince I Elle m'a composé un compliment I
HORTENSE, à part
Je fais vraiment tout ce que je peux 1
CocHU, lisant
Cochu en ce beau jour
Accejiir-z sans détour
Ces jaunes chrysanthèmeê
Dune main qui vous aime.
HoRTENSE
Et cette main, Cochu, c'est... c'est... c'est... la mienne..
(A part.) Mon Dieu ! que je suis émue I (Elle détourne
Us yeux de Cochu et s'éponge le front avec son mouchoir.)
LE TAMPON DU CAPISTON 69
COCHU
Comment, la main de Mademoiselle m'aime ?
HORTENSE
Oui, Cochu, la main, les mains, le cœur, et puis tout...
tout vous aime...
Cochu
Vous m'aimez ? Moi ? Pourquoi ?
HORTENSE
Parce que vous êtes beau...
Cochu
Je suis beau (Se regardant dans sa petite glace, quUl
tire de sa poche.) Mais elle n'est pas si soûle que ça ;
je ne l'avais pas remarqué !...
HoRTENSE, à part
Ça prend \...(Haut.) Oui, mais de votre côté... est-ce
que je vous plais un peu ?
Cochu
Vous, Mademoiselle, avec des arrière-postes comme
les vôtres... Faudrait être difficile...
HORTENSE
De sorte que si je vous laissais comprendre... 11 ne
vous serait pas désagréable de... Je suis si gênée... Venex
à mon secours.
Cochu
A votre secours !
HORTENSE
Epargnez-moi de vous faire moi-même des cuver
tures
CoCHU
Vous voulez me faire des ouvertures ?
70 LE TAMPON DU CAPISTON
HORTENSE
A votre tour j'attends que vous me demandiez..*
COCHU
Quoi ?
HoRTENSE, tendrement
Ne le devinez-vous pas ?
CocHU, la regardant
Comment c'est ça ?
HORTENSB
C'est ça...
CoCHU
Qh I vicieuse I Alors quoi, vous avez un pépin pour
mol ?
HORTENSE
Oui, Cochu, un pépin, que dis-je, un noyau I
CocHU
Bti bien ! mais... on peut s'entendre.
HoRTENSE à part
Il y vient...
CocHU
Justement à côté il y a la chambre du chef, qui est
vide.
HORTENSE
Ah I voyons, Monsieur Cochu I Vous parlez à une
jeune fille l
CoCHU
Ah 1 oui... Une jeune fille. Alors, faut qu'on ait du
temps devant nous I
HORTENSE
Il faut que nous soyons mariés I
LE TAMPON DU CAPISTON 71
COCHU
Mariés, nous deux ?
HORTENSE
Mais oui.
CoCHU
Pour de vrai ?
HORTENSE
Devant M. le maire...
GOCHU
Vous seriez M™« Cochu ?...
HORTENSE
Oui, mon ami, si vous y consentez.^
CoCHU
Tu parles... (Se reprenant.) Euh 1 Mademoiselle
parle... (A part.) Ah ! nom de Dieu ! Les copains vont
en baver des basanes.
HORTENSE
Alors, dès aujourd'hui, je puis m'occuper dos bans ?
CocHU
Ça colle... (Il passe.) Occupez-vous des bancs... des
fauteuils...'o( du lit... Tout ça large... très large... Qu'on
soye à l'aise...
HoRTENSE
J'achèterai tout le nécessaire...
CoCHU, revenant à elle
Par exemple, je vous préviens tout de suite que j'ai
pas une grosse dot : treize sous et un bon de tabac*
HORTENSE
Je vous en prie, n'agitons pas ces questions maté-
rielles...
"Q LE TAMPON DU CAPISTON
COCHU
Oui, n'agitons pas le matériel...
HORTENSE
En attendant notre mariage et pour que vous n«
soyez pas gêné, voici deux mille francs dans un joli
porte-cartes à vos initiales... (A part.) Avec ses trois
millions, il me les rendra au centuple...
CoCHU
Deux mille balles J (A part.) Je vais me payer un
tampon.
HORTENSE
Et maintenant, beau vainqueur, échangeons le baiser
des fiançailles.
CocHu
Pour ce prix-là, si vous en voulez deux... (Il Vem-
brasse.)
SCÈNE VI
LES MÊMES, LE CAPITAINE
Il Capitaine entrant du fond gauche et surprenant
le baiser.
Oh I
HoRTENSE gagnant la gauche
Hector f
Cocnu, gagnant la droite
Le capitaine ! Ça va barder...
Le capitaine, outré
Ma sœur dans les bras de l'ordonnance 1
LE TAMPON DU CAPISTON 75
IfORTENSE
Ce n'est plus une ordonnance, Hector, c'est mon
fiancé I
Le capitaine, s^tupéjait, allant à Hortense
Quoi ?
GOCHU
On se marie, mon capitaine, pour de bon... deyant le
maire...
Le capitaine
C'est une plaisanterie, n'est-ce pas ?
Hortense
Non, Hector, nous nous aimons et dans trois semaines,
je serai Madame Cochu.
Le capitaine
Madame Cochu I... Qu'est-ce que c'est que cette his-
toire ?
Hortense
C'est une histoire d'amour.
Le capitaine
Toi, ma sœur... tu te serais entichée de cet individu ?
Hortense
Je l'adore...
Cochu, au capitaine
Oh 1 ça la tient Lien !...
Le capitaine
Voyons Hortense... c'est impossible ! Ce matin
*^encore, tu le traitais d'animal, d'ân« bâté et de crétin...
Hortense
Les grandes passions commencent souvent par de
la haine...
74 le tampon du capiston
Le capitaine
Je t*en prie, regarde-le : il a une tête de brute... des
mains de charretier... des pieds de déménageur...
COCHU
Ce qu'il m'abîme...
Le capitaine
Il est ignorant... il est complètement idiot I
CoCHU, remontant
Ah non I II chère...
HORTENSE
Tu es injuste... Mais je ne veux pas discuter : tel
qu'il est Cochu m'a plu...
CoCHU
Averse I...
HORTENSE
Et Cochu sera mon mari 1
Le CAPITAINE
Je m'y opposerai d* toutes mes forces î
HoRTENSE
Alors, je prendrai les grands moyens et je me ferai
enlever par Cochu...
CocHU
A votre service... je fais cent kilos, à l'arraché...
Le CAPITAINE
Oh I II y a là-dessous quelque chose qui m'échappe..*
Toi qui peux ambitionner un beau parti. Le comman"
dant, tout à l'heure, me parlait de toi d'une façon signi-
ficative, malgré la ridicule réception d'hier... Hésite-
rais-tu entre cet officier et un cavalier de seconde classe ?
^
LE TAMPON DU CAPISTON 75
HORTENSE
L'amour ne connaît ni grades, ni galons... Des reines
ont épousé de simples bergers...
CocHU la prenant dans ses bras
Te laisses pas faire, ma gosse !
Le capitaine prenant les mains d'Hortense
Songe aux conséquences désastreuses... de cette
mésalliance, pour mon avancement... Jamais le comman-
dant ne me pardonnera.
HORTENSE
Tu perds du temps, mon ami... Je veux vivre ma vie...
CoCHU
Oui, elle veut vivre ma vie I (Hortense passe ses bras
autour du cou de Cochu.)
Le capitaine, se prenant la tête
C*est un cauchemar I... Je vais me réveiller...
CocHU
Voulez-vous que je vous pince ?...
Le capitaine
Et il se fiche de moi, encore I... Attends un peui
espèce de saligaud I... (Il va pour se précipiter sur
Cochu.)
SCÈNE VII
LES MÊMES, LE COMMANDANT
Le commandant, entrant
Eh bien I qu'y a-t-U ?
76 LE TAMPON DU CAPISTON
Le capitaine, furieux
Mon commandant, il y a que cette brute s'est permis
de...
Le commandant
Ah 1 c'est encore votre crétin d'ordonnance ?...
CocHU, riant bêtement
Oui, mon commandant I (A Hortense.) 11 m'a
reconnu I
Hortense
Commandant, c'est un garçon d'un grand mérite
et je le recommande à votre bienveillance...
Le capitaine
Mais, mon commandant, si vous saviez...
Le commandant, V interrompant
Je ne sais qu'une chose, capitaine, c'est que la volonté
d'une jolie femme est sacrée... (A Cochu.) Approchez,
mon garçon... Y a-t-il quelque chose que vous désiriez ?
Cochu
Oui, mon commandant, un congé libérable... (Regar-
dant Hortense.) pour me marier...
Le commandant
Allez dire au maréchal des logis de vous le préparer...
(Il passe 4, Cochu remonte au fond.)
Le capitaine, rongeant son frein
Elle est raide, celle-là I
Hortense
Merci, commandant I
Le commandant
De rien, Mademoiselle... Ce brave garçon pourra
épouser sa payse... (A Cochu qui a gagné la porte.)
LE TAMPON DU GAPISTON 77
Qu'est-ce que c'est que votre future, mon ami ? Une
paysanne ? Une bonne ?
CocHU, -fièrement, revenant
Non, mon commandant... (Fixant Hortense.) Une
femme du monde... (Il sort par la gauche en faisant de
Vœil à Hortense.)
Le commandant
Une femme du monde ! Oh ! oh ! oh I avec cette
tête-là. Vous ne trouvez pas ça drôle, Mademoiselle ?
Hortense, sèche
Non, mon commandant.
Le commandant
Excusez-moi : je vois que vous m'en voulez toujours
un peu de n'avoir pas su dissimuler quelque impatience
hier, à votre five o'clock...
Hortense
Nullement, commandant.
Le capitaine
C'était bien naturel ! Avec cette brute d'ordonnance.
Le commandant
Ne parlons plus de ça. Mais vous avez bigremeat
bien fait de vous en débarrasser.
Hortense, çii>ement
Oh I mais, mon commandant, il a bien des excuses,
ça n'a jamais été son métier. Ce n'est pas un domes-
tique.
Le commandant
Votre indulgence et votre bonté vous aveuglent,
chère Mademoiselle. Et, tenez, cela même me laisse
78 LE TAMPON DU CAPISTON
espérer que vous fermerez les yeux sur mes nombreux
défauts et que vous consentirez peut-être à m'agréer
pour compagnon de vos jours ?...
Lb capitaine
Mais, mon commandant I Quel honneur I Je suis sûr
que ma sœur appréciera les...
HORTENSE
Ce n'est pas à toi à répondre, Hector.
Le commandant
Ah ! c'est juste I
HoRTENSE
C'est moi qui suis en jeu... Tu connais mes senti
ments... Commandant, à votre demande, je suis obligée
de répondre...
Le CAPITAINE, vivement
De répondre que tu réfléchiras.
Le COMMANDANT
C'est trop juste. Quand il s'agit de s'enchaîner pour
la vie, on ne saurait prendre trop de temps pour réflé-
chir... Je reviendrai dans cinq minutes, f// sort à droite
2« plan.)
Le CAPITAINE, bas
- J'espère que tu vas accepter.
HORTENSE
Non, non et non !... C'est Cochu qu'il me faut...
Le CAPITAINE
Oh I la rosse ! la rosse I
Voix DU COMMANDANT
Eh ! bien, Reverchon, vous venez ?
y^v
LE TAMPON DU CAPISTON 79
HORTENSE
C'est Cochu ! C'est Cochu qu'il me faut !
Le capitaine, en sortant
Voilà, mon commandant. (A part.) C'est de l'hys
térie !,..
HORTENSE
L'hystérie... Trois millions...
SCÈNE VIIÏ
HORTENSE, MAITRE POUPONET
Maître Pouponet, entrant par le fond gauche
Tiens, Mademoiselle Hortense...
Hortense
Bonjour, Maître... Comment vous ici ?
Maître Pouponet
Oui, le commandant m'a fait appeler d'urgence. Ne
doit-il pas vous épouser ?
Hortense
Oh I c'est de l'histoire ancienne, grâce à votre petite
confidence d'hier, j'épouse l'heureux héritier.
Maître Pouponet
Comment, vous ? (A part.) Pauvre jeune homme I
(Haut.) Félicitations.
Hortense
11 m'aimait en secret... et j'ai bien voulu consentir
à faire son bonheur.
80 le tampon du capiston
Maître Pouponet
Mais puis-je espérer que malgré ce chassé-croisé, vous
userez de mes bons onices ?
HORTENSE
Certainement, Maître Pouponet. A ce sujet, je vou-
drais bien vous demander une consultation pour... une
de mes amies.
Maître Pouponet
Tout à vos ordres, Mademoiselle.
riORTENSE
Comment une femme, qui n'a pas beaucoup d'argent
et qui opouse un homme qui en a beaucoup, doit-ello
s'y prendre pour on avoir beaucoup et en laisser le
m )ins possible à son mari ? Oui... (Se reprenant,)
Eiifm...
Maître Pouponet
Eh bien ! Mademoiselle, vous répondrez à... votre
amie dt* faire un contrat prévoyant la communauté
avec attribution de tous les biens présents et à venir au
dernier survivant.
llORTENSE
Mais en cas de divorce ?
Maître Pouponet
C'est le partage par moitié I
Hortense à part
La moitié ?... C'est encore très bien... (Flaut.)
J'avertirai mon amie. Je vaus remercie.
Maître Pouponet
A votre service... et à celui de votre amio.
LE TAMPON DU CAPISTON 81
HORTENSE
Mais souffrez que je vous laisse. Je bous d'aller rejoin-
dre mon fiancé. (Frappant sa poitrine.) Si vous saviez
ee que j'ai là pour lui...
Maître Pouponet
Ce doit être fort bien, Mademoiselle I
HORTENSE
Flatteur 1 Au revoir, au revoir. (Elle sort par le
fonds.)
Maître Pouponet, seul
Baste I Qu'elle épouse l'ordonnance ou le comman^
dant... C'est toujours moi qui ferai le contrat. Alors '
(Se frottant les mains.) Ça va, ça va... Je suis content-
(Il sort.)
SCÈNE IX
LORMOIS, YVONNE
LoRMOis, arrivant du fond
Par ici, Mademoiselle Yvonne, nous serons tranquilles
pour bavarder.
Yvonne
Oh ! Je n'ai qu'un mot à vous dire, depuis hier j'a^
beaucoup réfléchi, vous êtes décidément trop poltron
pour demander ma main à mon père.
LoRMOis, se levant
C'est vrai...
Yvonne
Vous n'étiez pourtant pas si timide, quand vous av«B
flirté la première fois avec moi à la musique.
82 LE TAMPON DU CAPISTON
LORMOIS
C'est parce qu'il y avait du monde... du bruit... des
inslruments qui jouaient... ça me donnait du courage.
Yvonne
Vous ne voulez tout de même pas que j'installe un
orchestre auprès de papa pour vous aider à lui demander
ma main.
LoRMOIS
Méchante, vous vous moquez de moi.
Yvonne
Non., je vous gronde, Monsieur... Le manque d*audace
est un très vilain défaut pour un homme.
LoRMOIS
A qui le dites-vous I...
Yvonne
La timidité, c'est comme la poudre de riz... ça ne va
bien qu'aux femmes.
LoRMOIS
Vous vous passez bien de poudre, vous. Mademoiselle?
Yvonne
Oh I moi je suis un peu garçon... Et tenez il me sem-
ble que si j'étais comme vous, militaire, cavalier, secré-
taire du capitaine-adjudant major, je n'hésiterais pas
longtemps.
LoRMOIS
Que feriez-vous ?
Yvonne
Je me planterais crânement devant mon supérieur
et je lui dirais : « Mon capitaine, Mademoiselle votre
fille a fait le siège de mon cœur, moins courageux que
la vieille garde, je meurs d'amour et me rendb... »
LE TAMPON DU CAPISTON 83
LORMOÎS
Et le capitaine vous répondrait : « Rendez-vous à
la salle de police, vous avez les cheveux trop longs,
Mademoiselle. » Ah ! non, ma petite Yvonne, avec votre
père, c'est inutile, je ne pourrai jamais lui parler de
vous.
Yvonne
Alors, grand poltron, demandez au commandant de
voos servir d'avocat auprès de lui.
LORMOlS
Moi I... Parler au commandant I C'est effrayant !..
Yvonne
Un peu de courage, voyons... Il y a six mois que nous
sommes fiancés en cachette.. Je veux me marier moi...
J'en ai assez d'attendre... Je suis de la classe.
LoRMOis, Vembrassant
Vous êtes délicieuse... Tenez, je vous aime tant que
je vais parler ce matin même au commandant.
Yvonne
Bravo. C'est un excellent homme d'un abord trèg
facile. Il consentira sûrement à plaider votre catise.
(Voix du commandant en coulisse.)
Yvonne
Justement j'entends sa voix... Il vient par ici.,. Je
me sauve, je reviendrai dans une demi-heure.
LoRMOIS
Quelle émotion !...
Yvonne
En passant au poste, puisque la musique vous donne
du courage, je dirai au trompette de vous jouer un petit
84 LE TAMPON DU CAPISTON
air pendant que vous parlerez au commandant. (Ellf
iort.)
LoRMOis, seul
Méchante I Oui, je vais lui parler au commandant I
Oui, je vais lui parler... (Regardant à la cantonade.)
Pas maintenant, tout à l'heure. (Il sort à gauche.)
SCÈNE X
LE COMMANDANT, MAITRE POUPONET
Maître Pouponet
Mon commandant, vous m'avez fait l'honneur de m
convoquer d'urgence...
Le commandant
C'est pour ce projet de contrat, dont je vous ai parle]
hier.
Maître Pouponet
Quel contrat, commandant ?...
Le commandant
Ne vous l'ai-je pas dit ? Mon contrat de mariage avec.
la soeur du capitaine !
Maître Pouponet
Avec la sœur du capitaine ?
Le commandant
Sans doute.. Vous avez l'air de tomber de la lune I..j
Maître Pouponnet
Non, mon commandant.. J'avais bien entendu parler|
du mariage de M"« Reverchon...
le tampon du capiston $5
Le commandant
Eh bien !...
Maître Pouponet
Mais ce n'était pas précisément avec vous...
Le commandant
Vous voulez rire...
Maître Pouponet
Nullement... Tout récemment, j'ai vu M"^ Hortense
et elle m'a parlé d'un projet d'union avec un tout jeune
homme...
Le commandant
Eh bien ?
Maître Pouponet
Je dis un tout jeune homme.
Le commandant
Ah ! Un tout jeune homme !... Mais alors, ce n'est
pas moi !...
Maître Pouponet
J'en ai peur I...
Le commandant
Ah ! Ça c'est trop fort... et le capitaine qui me îaisse
m'emballer sur sa sœur... Et quel est l'heureux mortel
qui m'a supplanté ?
Maître Pouponet
C'est un simple cavalier de seconde classe, mon com-
mandant !
Le commandant
Un cavalier de seconde classe I Ça, alors, ça dépasse
tout.. Me préférer à moi, commandant, un simple bibi...!
le nom du bibi.. le nom de celui...
8(5 LE TAMPON DU CAPISTOlf
Maître Pouponet, montrant Lormois qui rentré
timidement.
Juatement, le voici, mon commandant.
Le commandant
Ventre de biche, mais c'est Lormois... Merci, notaire»
merci bien.
Maître Pouponet
De rien, mon commandant... Je suis content... j®
viens encore une fois d'arranger les choses... Ça va, ç^
va, (Il sort.)
SCÈNE XI
LE COMMANDANT, LORMOIS, puis PASTINl
Le commandant, redescendant à droite, à Lormois
Approchez...
liORMOis, s'aoançant^ à part
Il n'a pas l'air trop mal disposé ; c'est le moment de
lui demander son appui... (Haut.) Mon commandant,
encouragé par votre bienveillance, je voudrais...
Le commandant, interrompant
Taisez-vous !... Est-il exact que vous ayez des visées
sur la maison du capitaine ?
Lormoiss
Ah 1 mon commandant sait ? Je suis bien heureux...
mon commandant... parce que précisément j'espérais
que...
Le commandant
Qne qvioi ?
LE TAMl'ON DU CAPISTON 87
LORMOIS
Que vous consentiriez à me prêter votre appui pom
que j'obtienne la main de la personne qui...
Le commandant
Que je vous aide, moi ?.. Ça par exemple, c'est une
trouvaille.
LORMOIS
Oui, mon commandant. Vous êtes toujours si bon poi f
les hommes de votre escadron et puis... vous m'intimi-
dez moins que le capitaine.
Le commandant
Très flatté, mon ami. Mais on ne vous a donc pas dit
chez le capitaine que moi aussi j'avais le désir d'entrer
dans sa famille ?
LORMOIS
Si, mon commandant, M^ie Hortense avait bien voulu
m'en faire la confidence...
Le commandant
Oh ! M^ie Hortense vous en avait... Et ça ne you» a
pas fait hésiter...
LoRMOIS
Du tout, mon commandant, au contraire.
Le commandant, se contenant
Ah ! au contraire !
Lormois
Ça ne pouvait que me flatter et m'exciter à aller de
l'avant.
Le commandant, rageant
Ah I ça vous a excité... {A part.) Il est cynique I.,«
88 LE TAMPON DU CAPISTON
LORMOIS
Quand on se sent aimé I...
Le commandant
Bravo I Et naturellement c'est votre poste do secré-
taire chez le capitaine qui vous a permis de manigancer
cette petite affaire ?
LORMOIS
En effet... ça m'a permis de faire très facilement la
cour à M^i^ Reverchon.
Le commandant
C'est parfait. Vous vous rencontriez souvent ?
LORMOIS
Souvent, très souvent, mon commandant. Dans le
vestibule chaque jour en entrant et puis le dimanche
nous soupirions ensemble à la musique.
Le commandant
C'est attendrissant. Et moi qui n'y voyais que du feui
LORMOIS
Oh 1 dame, on se cachait bien. Mais maintenant nous
avons le grand désir que ce soit officiel.
Le commandant
Comme vous avez raison I Vous ferez un couple déli-
cieux. (A part.) Elle pourrait être sa mère.
Lormois
Oh I votre accueil paternel, mon commandant, m*fa-
clte à vous demander encore une faveur.
Le commandant
Au point où vous êtes, je comprends ça.
LE TAMPON DU CAPISTON M
LORMOIS
Si je pouvais avoir un après-midi sur deux de libre,
je pourrais me rendre chez ma fiancée, et...
Le commandant
Vous voulez peut-être que je vous change d'emploi ?
LORMOIS
Je n'osais pas vous le demander, mon commandant.
Le commandant
On vous trouvera quelque chose.
LoRMois, à part
Il est charmant.
Le commandant
Hé là-bas, le margis, approchez un peu...
Pastini, faisant claquer ses talons pour se mettre au
garde à vous
Mon commandant 1
Le commandant
On a dit au rapport d'hier, je crois, qu'on avait besoin
d'un garçon à la cuisine...
Pastini
Oui, mon commandant, pour remplacer Balutmar
qu'on a « désinfecté », parce qu'il avait fait bouillir son
treillis dans la soupe.
Le commandant
Parfait I Alors, voici le cavalier Lormois auquel je
m'intéresse et qui désire quitter son poste de secrétaire..
Affectez-le donc aux cuisines.
Pastini
Comment mon commandant. Monsieur Lormois... aux
cuisines ?
90 le tampon du capiston
Le commandant.
Parfaitement. Il désire se marier. Il apprendra ainsi
les soins du ménage,
LoRMOis, affolé
Mais... mon commandant, je...
Le commandant
Ne me remerciez pas... Ce n'est qu'un petit commen
cernent...
LORMOIS
Ohl
Le commandant
Je n'aime pas beaucoup qu'on se paye ma tête, mon
jeune ami...
Lormois
Moi, je me suis payé...
Le commandant
Je suis un bon bougre, mais tout de même, comme
ils disent au peloton... Vous avez égratigné le palissan*
dre. (En sortant.) Il m'en a fichu la migraine !
SGÈNE XII
LORMOIS, PASTINI, puis COCHU
LORMOIS
Cuisinier I Moi ! Avec mon éducation I
Pastini
Eh bien 1 vous allez commencer par me nettoyer les
fourneaux avec votre inducation... Mais d'abord, je
vais vous équiper... (Il va décrocher derrière la porte {U
LE TAMPON DU CAPISTON 91
gauche un bourgeron, un treillis et un calot de cuisinier.
Les vêtements sont noirs de crosne.)
LORMOI.S
Eh bien I j'en ai de la chance avec mon mariage I
Pastini
Là I endossez-moi vilement ce petit complet... (Ii
lui passe les vêtements.)
LoRMOis, faisant la grimace
Il est immonde I
Pastini
Et tâchez moyen d'en avoir soin ! Chaque tache voui
coûter deux jours ! Figure antipathique 1
LORMOES
Chaque tache en plus, alors j'en ai pour vingt ans.
CoCHU, entrant du fond^ apercevant Pastini
Oh ! le Corsico I Je me débine ! (Il va pour sortit
à gauche.)
Pastini, Vapercevant
Eh benl Cochu, ne vous en allez pas comme ça, mor
ami, ce n'est pourtant pas moi qui vous ellraie....
CocHU
Si, margis I
Pastini
Ah 1 que vous avez donc tort I Je ne vous mangerai
pas, bien au contraire... Un cigare ? (A Lormois,}
Passez donc les cigares, vous I (Il prend Vétui à cigareê
de Lormois et offre un cigare à Cochu.)
CocHU
Un cigare à moi I De vous à moi...
92 le tampon du capisto»
Pastini
Mais oui, prenez, prenez...
LORMOIS
Ça, par exemple I c'est raide...
Pastini, *£ndant son briquet à Cochu
Un peu de feu ?
CoCHU
De votre feu ? Oh ! margis, c'est trop, vraiment, c'est
trop.
Pastini, lui donnant du feu
Vous me récompensez en glissant un petit mot pour
mon avancement en haut lieu...
CoCHU
Vous voulez avajicer aux lieux ?
Pastini
Farceur I Vous me comprenez... Mais asseyez-vous
donc pour fumer bien à votre aise... (Il le fait asseoir
tur le banc de droite,)
CocHU
C'est que, margis, je venais pour ramasser les mor-
ceaux des assiettes, que j'ai cassées tout à 1 heure...
Pastini
Laissez donc ça, mon ami... Nous avons un nouveau
garçon de cuisine qui va s'occuper de cette besogne
malpropre... (Il va vers Lormois.) Vous avez entendu
le fourbi, hein, l'homme à la figure antipathique?
CocHU, apercevant Lormois
Ah I ah ! le secrétaire... qui est cuistancier... Te»
actions pont plutôt en baisse, le pommadé....
LE TAMPON DU CAPISTON 93
LORMOIS
Je vous dispense de vos réflexions, espèce de malotru I
Pastini
Moi, je vous dispense de permission dimanche,-
figure antipathique I Ça vous apprendra à manquer de
condésirations vis-à-vis de M. Cochu.
LORMOIS
Oh I
CoCHU, fumant prétentieusement son cigare
et faisant un signe protecteur de la main.
Laissez, margis, laissez, ça n'a aucune importance,
c'est une betterave.
LORMOIS
Betterave I Moi !
Pastini
Parfaitement, betterave... Et maintenant en vitesse,
filez-moi éplucher vos sœurs., les patates... (Il le pousse
vers la cuisine.)
LoRMOis, sortant bousculé
Et }e suis licencié en droit !
Pastini
Allez I allez I courissez 1 (Sertie par le fond droite.)
SCÈNE XIII
GOGHU, MÉLANIE
Cochu
Les femmes me donnent deux mille balles et le Cor*
sico voudrait m'acheter avec des cigares à deux ronds,
ûon, mais il ne m'a pas aregardé t
94 LE TAMPON DU CAPISTON
MÉLANIE, entrant
Cochu I Enfin, je te retrouve 1
CocHU, à part
Oh 1 zut, mon ancienne liaison ! C'est énervant.
(Haut.) Je vous prie, ma fille, de ne pas venir au quar-
âer me déranger dans mes occupations.
Mêlante
Oh 1 la la, ce que tu es devenu fier I
Cochu
Je vous serai reconnaissant de me « vouyover > à
'avenir...
MÉLANIE
Quoi ?
Cochu
De me » vouyover », de me dire vous...
MÉLANIE
Tu deviens fou I Qu'est-ce que je t'ai fait ?
Cochu
Vous ne m'avez rien fait, mais nous ne sommes plus
lu même monde.
MÉLANIE
Comment ?
Cochu, bafouillant prétentieux
Donérivanant... dorienravant dorénavant je deviens
an type de la haute... Je fais un mariage d'argent.
MÉLANIE
Tu te maries ?... Avec une autre que moi 1
CocHU
J'épouse la sœur du oapiston...
LE TAMPON DU CAPISTON 95
MÉLANIE
M"« Hortense ? Tu es toqué I
CocHU, majestueux
EUe est folle de moi.. Je lui ai accordé ma maini
pour éviter qu'elle fasse un malheur...
MÉLANIE
Ben et moi, alors, qu'est-ce que je deviens dans la
combinaison ?
COCHU
Je vous offrirai ma photographie.
MÉLANIE
Ça me fera une belle jambe... maintenant que tu m'as
ravi l'honneur.
CocHU
T'nez-vous I
MÉLANIE
Tu n'es qu'un saligaud !
GOCHU
Vous devez comprendre, ma fille, que je peux pas
sacrifier mon avenir à un instant d'égarement pas-
sionnel...
MÉLANIE
Ah ben ! tu es un joli mufle !
CoCHU
Je ne suis pas mufle, je suis un charmeur, c'est même
rapport à ma joliesse que j'épouse la sœur à Hector.
MÉLANIE, furieuse
C'est impossible 1 Tu ne vas pas me plaquer comme
ça, moi qui t'ai toujours aimé malgré ta bêtise.
96 LE TAMPON DU CAPISTON
CocHU «:'
Je comprends le désespoir que vous cause ma perte,
mais que voulez-vous ? Un fourneau nous sépare...
Mélanie
Vu n'es qu'un saligaud et un ingrat.
CoCHU
Oh! n îjueulez pas, ma fille... Une fois mané je vous
prendra comme cuisinière et je vous ferai augmenter
de dix anas par mois...
^^ahie, pleurant et lui mettant ses deux bras autour
du cou
Je ne veux pas être augmenté... Cochu... Isidore...
Je ne te laisserai pas épouser une autre femme...
^ h^lle cherche à embrasser Cochu. Le tapitaine entre du
I nd.)
SCÈNE XIV
LES MÊMES, LE CAPITAINE
Le capitaine, entrant et descendant
Ohl
Cochu, à part
Mon beau-frère 1 Oh I c'est que énervant I
Le capitaine
Mélanie ! ma bonne I Dans les bras de t La Bette-
rave ».
Mélanie, pleurant
Je l'aime, mon capitaine.
Le capitaine
Vous aussi ! et vous lui avez prouvé votre amour ?
LE TAMPON DU CAPISTON 97
MÉLANIE
Environ trois fois par semaine, mon capitaine.
Le CAPITAINE
Et naturellement ça se passait sous mon toit ?
COCHU
Oui, mon capitaine, sous le toit, au sixième.
MÉLANIE, pleurnichant de plus belle
Il m'avait promis le mariage...
CocHU, au capitaine
Ne faites pas attention, Hector,c'est une malheureuse.
Le capitaine, à Cochu
Taisez-vous ! Je vous défends de m'appeler Hector.
(A Mélanie.) Quant à vous, Mélanie, fichez-moi le
eamp à vos fourneaux...
CocHU
Mais oui, voyons la domestique, laissez-neus en
famille.
MÉLANIE, sortant par le fond, en pleurant
Les cavaliers sont des cochons 1 Si j'avais su, j'au-
rais pris un pompier.
Le CAPITAINE, à part
Oh 1 mais je commence à en avoir asseï 1 (Haut et
venant à Cochu.) Me direz-vous, bougre de saligaud
oe que vous avez fait à ma pauvre sœur pour qu'elle
vsuille devenir la femme d'un cosaque de votre espèce ?
CocHu
J'y ai tapé dans l'œil tout simplement.
Le CAPITAINE
.. Vous lui avez tapé dans l'œil ?
58 LE TAMPON DU CAPISTON
Gocnu
C*est pas de ma faute... J'ai du charme !
Le capitaine, marchant sur Cochu et le faisant tourne
Fichez-moi le camp, ou je ne réponds plus de moi !
Cochu
Hector, t'as tort 1 T'as tort, Hector. (Il sort préci
pitamment.)
Le capitaine, exaspéré, il va pour se précipiter sur
Cochu qui se sauve.
Oh ! il faut absolument que j'avertisse ma sœur 1
Ce mariage est un scandale I (Il va pour sortir et se
heurte à Maître Pouponet qui entre.)
SCÈNE XV
LE CAPITAINE, MAITRE POUPONET,
puis YVONNE
Maître Pouponet
Mon capitaine, mes sincères compliments pour le
superbe mariage de Mademoiselle votre sœur...
j Le capitaine, furieux
Ecoutez, notaire, je vous engage à ne pas vous (outre
de moi, autrement je vous coupe les oreilles...
Maître Pouponet, à part
Mais capitaine...
Yvonne, entrant par le fond
Tiens, papa, où vas-tu ?
le tampon du capiston 99
Le capitaine
Où ça me plaît... (Yvonne de peur^ remonte. A Pou'
pone^^ Vous avez compris ? Les oreilles pour commen"
car... (Il sort par le fond.)
Yvonne
Eh bien, vrai ! papa n'a pas l'air de bonne humeur '
Maître Pouponet
Vous pouvez le dire, Mademoiselle. Le mariage de
M^ie Hortense ne paraît pas beauconp lui sourire...
Yvonne
Pourtant le commandant est un excellent parti...
Maître Pouponet
Oh ! mais c'est changé... Ce n'est plus le commandant.
Yvonne
Qui est-ce donc ?
Maître Pouponet
Le cavalier Lormois.
Yvonne
Le caval... le cavalier... Vous êtes sûr ?
Maître Pouponet
Absolument.. La nouvelle sera bientôt officielle. ..
(Yvonne pousse un cri et tombe dhme pièce dans les
brcLS de Pouponet qui, surpris, lâche son chapeau et sa
serviette. Il porte Yvonne sur le banc de gauche et lui tape
dans les mains.) Eh bien ! eh bien I Mademoiselle
qu'avez-vous ?
Yvonne, revenant à elle
Rien, le saisissement., cette nouvelle imprévue-
Merci, ça va mieux.
100 LE TAUPON DU CAPLSTeW
Maître Pouponet
Je comprends.. C'est la joie d'apprendre le mariage
de votre tante... Pauvre petite... J'adore faire
plaisir aux gens... (En sortant à droite cl se frot-
tant les mains, après avoir ramassé son chapeau et ss
serviette.) Allons ça va, je suis content, je riens encore
une foifl d'arranger les choses.
SCÈNE XVI
YVONNE, COCHU, puis LORMOIS
Yvonne, seule et furieuse
M. Lormois épouse ma tante ! Evidemment elle est
plus riche que moi ! Le traître ! (Se levant et gagnant
la gauche.) Oh I mais, je me vengerai... Je ne lui laisse-
rai pas la satisfaction de rompre de lui-même... Je vais
me jeter à la tête du premier venu., le plus laid, le plus
bête, que je pourrai trouver, pour que M. Lormois
enrage en voyant par qui je le remplace.
CocHU, entrant du fond, apercevant Yvonne
Oh ! ma nièce ! Bonjour, petite I
Yvonne, à part
Cochu, voilà mon affaire... (Allant à lui, haut.)
Bonjour, Cochu.. C'est justement vous que je venais
voir...
Cochu
Moi I
Yvonne
Depuis que vou» avez quitté notre service, j'ai dé-
! ouvert une chose surprenante.
LE TAMPON DU CAPIST9N 101
COCHU
La clef du champ de manœuvre ?
Yvonne
Non, Cochu... J'ai découvert que j'ai été amoure«i«
de vous.
Cochu
Vous aussi... (à part.) Encore une I
Yvonne
J'étais fiancée avec M. Lormois, mais je vais romprt
ce mariage.
CocHW, paternel
Voyons, voyons, mon petit... Il ne faut pas yohs
emballer comme ça...
Yvonne
Vous méprisez mon amour ?
Cochu
Non, je ne la méprise pas... Seulement je rais vom»
dire : aujourd'hui je refuse du monde...
Yvonne
Ça m'est égal...
Cochu
Après tout, elle est plus jeune que l'autre...
(Paraît Lormois de droite cuisine. Il est en marmiton^
treillis, bourgeron et bonnet noirs de crasse.)
Lormois
On étouffe dans cette cuisine 1
Yvonne
Monsieur Lormois I Vous tombez bien... (A pari.)
Dieu qu'il est laid I (Haut.) Je suis heureuse de vous
annoncer mon mariage avec M. Cochu.
/"
102 LE TAMPON L'U CAPISTON
LORMOIS
Comment... Vous, Mademoiselle... vous épousez la
Betterave ?
COCHU
Oui, mon petit, moi, la Betlorave, on se dispute me»
épluchures...
Yvonne
Dans trois semaines, Cochu, je serai votre femme...
CoCHU
Ça colle... (A part.) Je vas monter un sérail...
LORMOIS
Je devions fou !
Cochu
Te bile pas... le cuisinier... Je te refilerai Mélanie...
Yvonne, à Cochu
Pour sceller notre accord, je vous autorise à m'em-
brasse r !
LoRMOis, remontant au fond
Oh 1 ça I
Cochu
Avec plaisir... (S^ essuyant la bouche.) A la tienne
Lormois ... (Il embrasse Yvonne. Le capitaine et Hor-
iense paraissent au fond.)
SCÈNE XVII
Les MÊMES, LE CAPITAINE, HORTENSE,
MÉLANIE, PASTINI ,BRIFFOTEAU,
MICHONDARD
Le capitaine, au fond
Nom de Dieu !
LE TAMPON DU CAPISTON 1Û3
HORTENSE
Yvonne.
GocHU, gagnant la droite, Yvonne la gauche
Zut ! Voilà mes anciennes femmes I
Le capitaine, descendant vers Yvonne
Ma fille ! C'est ma fille, à présent, qui se laisse em-
brasser par ce cochon-là I
COCHU
C'est pas moi ; c'est elle qui me l'a demandé... papa...
HoRTENSE, à Yvonne
Je ne me laisserai pas voler mon fiancé I
Mélanie, entrant
Vous m'avez bien volé le mien I...
Le capitaine, furieux
Taisez-vous toutes ! (A Cochu.) Enfin, espèce de
crapule, vous avez donc juré de déshonorer toute ma
maison ? Après ma bonne, ma sœur, après ma sœur,
ma fille ! A qui vous arrêterez-vous donc, bon Dieu ?
A qui ?
Cocnu
A vous, mon capitaine !
(Le capitaine se précipite sur lui, Hortense et Yvonne
le retiennent. Briffoteau, Mickondard et Pastini se tor-
dent au fond.)
RIDEAU
ACTE III
Même décor quau premier acte.
SCÈNE I
MÉLANIE, BRIFFOTEAU
Au leçer du rideau, Mélanie met Briffotcau au Mu-
rant du service.
Mélanie
Alors c'est vous qui êtes la nouvelle ordonnanet»
du capitaine ?
Briffoteau
Oui, Mademoiselle Mélanie ; ma promotion data «It
ce matin.
MÉLANIE
Comment vous appelez-vous ?
Briffoteau
BrifToteau... César pour les dames.
MÉLANIE
Eh bien ! César, je vais vous mettre au courant d«
service... Ici, c'est le salon.
Briffoteau
C'est une belle carrée.
Ll TAMPON DU CAPISTON 105
MÉLANIE
Ici, c'est la chambre du capitaine, là, la chambre de
Mlle Yvonne et de M"® Hortense ; là, le boudoip.
Briffoteau
Un endroit où qu'elles vont bouder ?
MÉLANIE
Mais non, voyons, un boudoir, c'est pas pour bouder ;
c'est pour se reposer.
Briffoteau
Alors, c'e«t un reposoir.
MÉLANIE, riant
Loustic, va I... (Elle cesse brusquement de rire et pousse
un gros soupir.) Ah !...
Briffoteau
Qu'avez-vous ?
MÉLANIE
Excusez-moi, înais chaque fois que j'entends une bê-
tise, ça me rappelle un idiot qui m'a déchiré le cœur.
Briffoteau
Il est décédé, l'idiot ?
MÉLANIE
Ah ! si ce n'était que ça !... Mais, il m'a plaquée...
Briffoteau
C'est affreux j
MÉLANIE
Pour épouser la sœur de son patron...
Briffoteau
La sœur de... Mais alors, c'est mon prédécesseur,
c'est Cochu.
106 LE TAMPON DU CAPISTON
MÉLANIE
Oui, c est lui... C'est ce cochon de Cochu I
Briffoteau
C'est ce Cochu de cochon ! Alors, vrai, c'est pas des
bobards ? Ça va se faire, ce mariago-là ?
MÉLANIE
On commence aujourd'hui la publication dos bans.
Briffoteau
C'est donc ça que Cochu a quitté la caserne avant -
hier...
MÉLANIE
Il a obtenu un congé libérable et, depuis qu'il est ci-
vil, il loge chez nous... dans la chambre d'ami... si c'est
pas une pitié...
Briffoteau
Et le capiston, qu'est-ce qu'il dit de ça ?
MÉLANIE
Lui ? Il ne décolère pas de la journée...
Briffoteau
Et voilà pourquoi ça barde tant à l'escadron !...
MÉLANIE
11 y a de quoi être mécontent... Jusqu'à sa fille qui
s'était toquée de Cochu !...
Briffoteau
Je sais même qu'elle l'a embrassé....
MÉLANIE
Oui, mais celle-là, au moins, ça lui a passé vite... Elle
ne regarde même plus Cochu... Alors, lui, il est tout à
•on llortense et il méprise mes soupirs I
le tampon du capiston 107
Briffoteau
Des soupirs si appétissants, l'ingrat 1
MÉLANIE
C'est de ma faute, aussi ! Je l'ai trop gâté I Ptftdant
qu'il se vautrait dans les fauteuils, moi, je lui faisais
son ouvrage. Je balayais, je frottais, j'astiquais.
Briffoteau
Ah I c'est vous qui turbiniez. Ça tombe bien, moi, je
ne suis pas très courageux.
MÉLANIE
Oh ! mais maintenant, c'est bien fini. Ils vont barder,
les ordonnances. Pour commencer, cet après-midi,
vous astiquerez les cuivres et vous battrez le grand
tapis.
Briffoteau
Ah I je battrai les cuivres et j'astiquerai le grand
tapis !... Bon, bie.n... ça m'est égal !... Vous êtes cruelle.
Je ne m'attendais pas à ça. Cocliu m'avait tant dit
que vous étiez une crème...
MÉLANIE, radoucie
Ah ! Il vous a dit ça, Gochu ?
Briffoteau
Oui. Et que vous n'étiez pas fière et bien obligeante...
MÉLANIE
Ah ! 11 vous a dit ça aussi ?
Briffoteau
Et que vous aviez un cœur de brioche.
MÉLANIE, éclatant en sanglots et tombant assise sur le
canapé.
C'est vrai, que mon cœur c'est de la brioclie.
tôt LB TAMPON BU CAfîSTON
Briffoteau
Alors, ne pleurez pas comme une madeleine...
MÉLANIB
J'ai trop de chagrin !
Briffoteau, Vemhrasse dans le cou
J'essaierai de vous consoler.
MÉLANIB
Vous êtes gentil.
Briffoteau
Oui, je suis très gentil. Alors, dites... C'est vous qui
astiquerez les cuivres ?...
(Il V embrasse dans le cou.)
MÉLANIE
Je veux bien.
Briffoteaw
Mouchez-vous, voyons.
MÉLANIB
Je n'ai pas de mouchoir.
Briffoteau la mouchant
Soufflez I On ira tous les deux, dimanche, se promener
le long du canal...
MÉLANIE
Vous avez du cœur, vous !
Briffoteau
Beaucoup... alors... pendant que vous y serei, tohs
btttrez le grand tapis, hein ?
(Il V embrasse dans le cou.)
MÉLANIE
Si vous voulez, César 1
le tampon du capiston 109
Briffoteau
Ah I Mêlante, je sens que la place va me plaire.
SCÈNE II
HORTENSE, MÉLANIE, BRIFFOTEAU
HoRTENSE, paraissant de gauche
Qu'est-ce que vous faites là, tous les deux ?
MÉLANIE
Je pleure, Mademoiselle.
Briffoteau
Et moi, je l'aide.
Hortense, à Mélanie
Qu'est-ce que vous avez ?
MÉLANIE
J'ai, mademoiselle, que j'ai été volée...
Hortense
Pas possible ! Que vous a-t-on pris ?
MÉLANIE, la regardant -fixement
Un homme, mademoiselle...
Hortense
Un homme ?
MÉLANIE, même jeu
Une monstruosité d'homme... qui s'est laissé voler..
HORTBNSE
Permettez !...
110 LE TAMPON DU CAPISTON
MÉ.LANIE
Mais il sera puni, Mademoiselle! Et, en fin de compte,
c'est peut-être lui qui sera volé I...
HORTENSE
Vous êtes une insolente et je vous prie de m'épargner
VOS confidences indécentes. Vous parlez à une jeune fille.
MÉLANIE, pour Brifjoteau
Pauv' mignonne I
HORTENSE
Vous dites ?
MÉLANIE
Rien, mademoiselle...
HORTENSE
Allez nous préparer le thé pour cinq heures... j'at-
tends mon fiancé...
MÉLANIE, à part en sortant
Son fiancé I Cochon de Cochu I
Briffoteau
Cochu de cochon !
HORTENSE
Alors, Briffoteau, Mûlanio vous a mis au courant ?
Briffoteau
Oui, Mademoiselle... Je ferai tout ce que faisait
Cochu 1
Hortense
Dites donc, mon garçon, vous pourriez dire « Monsieur
Cochu ».
Briffoteau, riant
Mais on se tutuèye, Mademoiselle, je vas pas y dire
Mossieur I
LE TAMPON DU CAPISTON 111
HORTENSE
Je VOUS en prie, au contraire.
Briffoteau
Mais Mademoiselle, on s'a soûlé ensemble plus d«
vingt fois, je vas pas y dire « Mossieur », voyons I
HoRTENSE, impérative
Vous le lui direz, ou je vous fiche à la porte.
Briffoteau
Bien, Mademoiselle.
(On sonne.)
HORTE>;SB
Voyez qui a sonné I
(Briffoteau sort.)
HoRTENSE, seule
Encore un rustre... Quand j'aurai nos trois mil-
lions, j'engagerai un valet de pied...
Briffoteau, reparaissant
Mademoiselle...
Hortense
Eh bien ! qu'est-ce ?
Briffoteau
Mademoiselle, c'est... c'est... (Il pouffe.)
Hortense
Qu'est-ce qui vous prend ?
Briffoteau
C'est... c'est... (Il pouffe.)
Hortense
Non, mais, vous êtes malade ?
112 LE TAMPON DU CAPISTOlf
Briffoteau
C'est Monsieur... (Il pouffe.)
HORTENSB
Oh i c'est trop fort 1
Briffoteau
C'est... Monsieur... Co... Co... chu...
HORTENSE
Imbécile !... {A Cochai dans V antichambre.) Entrez,
mon cher ami, entrez !
Briffoteau, sortant
J'en ai mouillé mes basanes ! (Il sort.)
SCÈNE III
COCHU, HORTENSE, puis LE CAPITAINE
CocHU, entrant. Il est complètement rasé ce qui doit
modifier complètement son aspect. Il est sanglé dans
un veston dernier cri et porte un pantalon voyant.
Cravate excentrique, chapeau melon. Il a conservé ses
gros brodequins de soldat.
Bonjour, ma petite fiancée !
Hortense
Bonjour, très cher I
CocHU
On se bise ?
HoRTENSB
On ne bise pas, Isidore, on cmbrajise..;
CoCHU
Comme vous voudrez !...
(Il Vembrasse sur la joue bruyamment.)
LE TAMPON DU CAPISTON 113
HoRTENSE, se dégageant
Et puis, on ne fait pas de bruit, en embrassant...
COCHU
Moi, plus que j'aime et plus que ça claque I...
^^ HoRTENSE
Il ne faut pas que ça claque I
CoCHU
On ne claquera plus !... Tenez... v'Ià un bouquet !..;
(Il lui donne un bouquet qu'il tenait caché derrière son
dos et qui est enveloppé de papier jaune de boucher.)
HORTENSE
Charmante attention !... Mais il faut dire : « Je vous
ai apporté quelques fleurs »...
CocHU, répétant
Je vous ai apporté quelques fleurs... Tout ce qu'il y
a de plus poétique et de printanier...des vesses-de-loup,
garnies de gratte-culs...
HoRTENSE, prenant le bouquet
Or dit « du feuillage vert et de l'églantier • 1... Mais,
quel horrible papier 1... Il n'y avait pas mieux que ça,
chez le fleuriste ?
CoCHU
Si, seulement, ce fi'ou-là voulait me compter mon
bouquet quatre francs... j'y ai dit : « J'veux pas mettre
plus de trois francs et dix sous. — Vous aurez pas d«
papier, qu'il me dit !... — Votre papier, que j'y répondf,
TOUS pouvez vous le mettre quelque part ! »...
HORTENSE
Fi !... Isidore !,.. Voyons i...
114 LE TAMPON DU CAPISTON
^ Cocnu, Za regardant
Oui I... C*esl vrai !... C'est du papier trop dur... Mais,
TOUS savez, quand on est fâché, on rénéchit pas...
J'ai donc pris le bouquet, j'ai t'été chez le boucher en
face où je connais un garçon qui m'a donné son plus
beau papier à gigot... Vous m'embrassez pas pour la
peine ?
HORTENSE
Non., non... on n'embrasse pas comme ça tout le
temps sa fiancée... Un homme du monde, car vous en
êtes un maintenant, doit montrer plus de réserve.
Cocjiu
C'est que je suis encore de l'active I
HORTENSE
D'abord, quand on entre dans un s^^lon où il y a
une dame, on enlève son chapeau.
COCHU
J'enlèverai tout ce que vous voudrez... (Il ôte son
chapeau, il a les cheveux pommadés et bien séparés
par une raie.)
HORTENSE
On prend la main de la dame, et on la baise.
CocHu
S'il vous plaît ?
HORTENSE
On lui baise la main...
GOCHU
Ah ! bon !...
(îl lui baise la main.)
LE TAMPON DU CAPISTON 115
HORTENSE
Et l'on fait de même pour toute personne distinguée
à qui l'on vous présente...
COCHU
On s'en rappellera...
HoRTENSE, rectifiant
On dit : « On s'en souviendra »... et maintenant, mar"
chez un peu que je voie comment le tailleur de mon
frère vous a habillé.
CoCHU, obéissant
Zyeutez-moi ça, si je jette un jus...
HORTENSE
Votre faux-col est trop bas !
GOCHU
J'ai horreur des faux-cols-z-hauti,
HORTENSB
Ne faites pas la liaison.
CocHU
Quelle liaison ?
HORTENSE
Dites : « Des fauxcols... hauts. •
CocGU, très vite
Des fauxcols hauts...
HORTENSE
Encore un détail fâcheux : vous avez mis votre cra-
vate en lavallière et c'est une régate... je vaii votts
arranger ça...
Œlle lui arrange sa cravate.)
116 LE TAMPON DU CAPISTON
COCHU
Merci, mon Hortense I...
HORTENSE
Mais ne vous tortillez pas, voyons \
CocHU, riant
Vous me chatouillez la pomme d'Adam...
(Paraît U capitaine à gauche.)
Le capitaine
Qu'est-ce que c'est que ça ?
Cociru
Ça, c'est moi... Bonjour, beau-frère...
Le capitaine, bourru
Déjà vous !... Bonjour !... (A Hortense.) Qu'est-c«
que c'est que cette facture de mon tailleur à ton nom ?
Deux cent dix francs pour un complet civii...
Hortense
C'est la note de ce complet que je viens d'offrir à
Cochu...
Le capitaine
Ah I bon 1... Tu i'habilles, maintenant ?
Cochu
Je ne peux pas aller tout nu, Hector I
Le capitaine
Je vous ai déjà défendu de m'appeler Hector I
CoGiSV, à Hortense
Il s'est encore levé du mauvais côté 1
Le capitaine, à Hortense -i
Ah I il est eentil, en civil, ton flanc*. Il a de Talluro I
LE TAMPON ©U CAPISTON 117
COCHU
Merci, beau-frère I...
Le capitaine, à Hortense
V Grâce au ciel, le commandant ne pourra pas assister
à ce mariage insensé...
Hortense
Et pourquoi n'y assistera-t-il pas ?
Le capitaine
Parce qu'il s'en va demain... Il vient d'être nommé
lieutenant-colonel...
Hortense
Lieutenant-colonel I...
Le capitaine
Si tu n'étais pas Madame Cochu, tu aurais été la
colonelle...
Hortense
Je n'ai pas d'ambition.
Go chu
On n'a pas d'ambition.
Le capitaine
Ah ! fichtre non 1... (Toisant Cochu.) Un singe
habillé... (A Hortense.) Si le colonel l'avait vu, j'en
aurais pincé la jaunisse... (Il sort bruyamment.)
Cociiu, vexé
Un singe habillé !... Hector n'est pas gracieux.
Hortense
Bah 1 Vous finirez bien par faire sa conquête.
Cocnu croisant les jambes
Je le crois... parce que j'ai du charme...
118 LE TAMPON DU CAPISTON
HoRTENSE, apercevant Us brodequins à clous de
Cochu
Gh ! mais, qu'est-ce que vous avez aux pieds ?
Cociiu
Mes brodequins !
HORTENSE
Oh I mon ami, quelle faute de goût I De telles chaus-
sures avec un complet aussi élégant !...
CoCHU
C'est que j'ai des oignons...
HORTENSE
On ne dit pas « oignon », on dit : « excroissance ».
CocHU ,
Si vous voulez...
HORTENSE
Et puis, VOUS allez me quitter ça.. Je vais vous donner
des bottines à Hector... (Appelant à la cantonade.)
Mélanie !
MÉLANIE, entrant du fond
MademoiseUe ?
HORTENSB
Savez-vous où nous avons rangé la paire d^ bottine^
vernies, que le capitaine avait mises à la première com-
munion de M"« Yvonne ?
MÉLANIE
Oui, c'est dans l'armoire normande... Faut-il aller
les chercher ?
HoRTENSE
Non, j*y vais moi-même... et pour le dîner, n'est-ce
pas, un civet de lapin... M. Isidore l'aime beaucoup...
LE TAMPON DU CAPI8T0N 119
GOCHU
Isidore Tadore...
MÉLANIE, entre ses dents
Cochon de Gochu !...
GocHU, à Mélanie
Et surtout, dans le civet, n'oubliez pas les excrois-
sances...
MÉLANIE
Quoi ?
COCHU
Les excroissances. (A Hortense.) Ces légumes qui font
pleurer, quand on les pèle...
Hortense
Ah !.. Dans ce cas-là, on dit des « oignons ».
CocHU
Pourquoi ?
Hortense
Je vous expliquerai. Je vais chercher vos bottines...
(En sortant.) Oh ! j'aurai du mal à en faire un homme
du monde.
SCÈNE IV
MÉLANIE, COCHU, puis BRIFFOTEAU
Coehu va prendre un cigare dans le tiroir de la table
et cherche du jeu.
CocHU, s'asseyant dans un canapé
Passe-moi donc les allumettes, Mélanie, je vous prie,
MÉLANIE, très cérémonieuse
Voilà les allumettes de Monsieur.
120 LE TAMPON DU CAPISTOff
GOCHU
Merci.
MÉLANiE, même jeu
Et puis, voilà un cendrier, pour que Monsieur ne jette
pas les cendres de Monsieur sur le tapis de Monsieur...
CocHU, étonné
Oh ! ça va bien.. Quand on n'est rien que nous deux,
tu peux remiser des « Monsieur » !
MÉLANIE, glaciale
Je serai reconnaissante à Monsieur de me vouvoyer
désormais.
CocHU
Alors, quoi ? Tu me gardes rancune ?
MÉLANIE
Un fourneau nous sépare : M^'® Hortense.
CoCHU
Tu es jalouse, je comprends ça... (Il se lève et va à
elle.) Mais au fond, tu sais, c'est encore toi que j'aime
le mieux I
MÉLANIE
11 est temps que Monsieur s'en aperçoive I...
CoCHU
Mais, tu comprends, un msriage pareil, la fortune...
le lusque.. regarde comment je suis fringué !
MÉLANIE
Ça a un nom, les hommes qui se font entretenir par
les femmes !
CocHU
Oui, mais quand ils les épousent, ça s'appelle des
maris.
LB TAMPON DU CAPISTON 121
MÉLANIE
C'est du propre !
COCHU
Voyons, te fais pas de mousse... Quand je serai marié,
je te prendrai comme bonne amie...
MÉLANIE
Par exemple !
CoCHU
Les hommes du monde dorment souvent avec leur
bonn«. C'est très bien porté...
MÉLANIE
Je remercie Monsieur, mais pour ça j'attends pas
après Monsieur.
CoCHU
Tu n'attends pas?... Est-ce que, par hasard, tu m'au-
rais remplacé ?
MÉLANIE
Pas encore, mais ça va se faire 1
CocHu
Mais je te le défends... Par exemple I Arec qui,
d'abord ?... Avec qui ?
Briffoteau, entrant
Où mettez-vous les torchons. Mademoiselle Mélanie ?
CocHU
Briffoteau 1
Briffoteau
Ah ! Cochu... Monsieur... Monsieur... (Il pouffe.)
CoCHU
Pourquoi que tu ris, pochetée ?
122 le tamton du capiston
Briffoteau
Ah 1 vingt dieux! Ce que t'es crevant en pékini
COCHU
Qu'est-ce que j*ai de crevant ?
Briffoteau
Ce que ça te va mal, les frusques civiles !
CoCHU
Comment ça me va mal ?
Briffoteau
T'as l'air du marié des jeux de massacre.
CocHU, dédaigneux
Paysan, va 1...
MÊLA NIE, tendrement
Je suis de votre avis, César... je préfère la tenue
militaire.
Briffoteau, niéme jeu
Vous avez du goût, Mélanie.
CocHU, saisi.
César... Mélanie... Est-ce que par hasard, tous le«
deux...
Briffoteau
Mais bien sûr, on est en plein gringue...
CoCHU
Oh 1
Briffoteau
C'est-y pas toi qui me l'as recommandée f...
CocHU
Moi ?
le tampon du capiston 126
Briffoteau
Quand elle était ta bonne amie, tu m'as dit : « Mé-
lanie, elle a l'air de rien, comme ça au rez-de-chaussée,
mais au sixième., l'essayer, c'est l'adopter... »
COCHU
J'ai pas dit ça pour que tu l'essayes I
MÉLANIE
Monsieur est égoïste !...
Briffoteau
Et comment I
MÉLANIE
Vous me plaisez, César... Voulez-vous un petit verre
ie raide ?
Briffoteau
C'est pas de refus I
MÉLANIE, allant vers le placard
La clef est justement sur le placard aux liqueurs...
Briffoteau
Il y a-t-il de Varmoniac ?
Briffoteau
Y en a cent vingt bouteilles... (A Cochu.) Et si Mon-
sieur nous autorise ?
Cochu
Oui, ça, je tous autorise...
( Mélanie prend une bouteille dans le placardf au pre-
mier plan gauche.)
Briffoteau
Tu vas trinquer avec nous ?
tf4 LE TAMPON DU CAPISTON
COCHU
Ça aussi, je veux bien... (Pendant que Mélanie rem-
plit les trois verres.) Je consens à te payer à boire avec
l'ormoniac d'Hector, mais je te prie de respecter ma
bonne...
MÉLANIE, trinquant
A la santé de Monsieur... (A Briffoteau.) A toi, César,
à nos amours I
CocHU, furieux
Mélanie I...
SCÈNE V
LES MÊMES, HORTENSE
HoRTENSE, entrant, scandalisée
Comment ? Vous trinquez avec vos domestiques ?
CoCHU
Je faisais goûter à Briffoteau Vormoniac d'Hector,
HORTENSE
C'est une erreur, mon ami. Vous êtes trop bon avec
CCS Rons-là. (A Mélanie et à Brijjeteau.) Retournez
tous les deux à votre cuisine...
MÉLANIE
Venez, CésaT...
(Ils sortent.)
HoRTENSE, à Cochu
Mon cher Isidore, vous ne savez pas du tout vous
tenir avec la valetaille I On ne bavarde pas avec le^
larbins. On leur jette des ordres et ils doivent les ramas-
•er respectueusement.
j
LE TAMPON BU CAP1ST0:V 12!
COCHU
Bien, Hor^ense.
HORTENSE
r
Il faut lei r parier d'un ton sec et autoritaire.
COCHV
Comme vous me pariiez quand j'étais à votre ser-
Yice ?
HORTENSE
Oui... (Se reprenant.) C'est-à-dire., oublions le passé.
CocHU
Vous en faites pas... J'ai compris la manœuvre...
Vous allez voir. (Appelant à la cantonade.) Brifïoteau !
Briffoteau, entrant
Voilà !
CoCHU
Vous pourriez dire : «Voilà Monsieur, espèce d'abruti!
Briffoteau, ahuri
Voilà, Monsieur !
CocHu
Avancez-moi un fauteuil que je m'assoye, crétin I
Briffoteau, pétrifié
Voilà, Monsieur !
CoCHU
Ah bien î qu'est-ce que vous faites-là ? Andouille,
âne bâté ? Je vous ai jeté un ordre, ramassez-le !
(Brijfoteau regarde par terre.)
Oh 1 il cherche par terre!... Quels idiots que ces or-
donnances ! Tenez, allez-vous en, tête de pipe, face de
bourrique ! (A part.) Ah ! tu veux me chiper Mé-
laaie !...
126 lb tampon du capiston
Bripfoteau
Bien, Monsieur... (A part.) Il est complètement mar-
teau.
(Il sort.)
GocHU, à Hortense
Eh bien ! vous avez vu, jo suis t'y un homme du
monde, quand je m'y mets !
Hortense
Trop de violence !... Enfin, il y a un progrès...
COCHU
Merci, très chère !...
(Il lui baise la main.)
Hortense
Maintenant, venez mettre vos bottines.
(Elle sort.)
CoCHU
Je vous suis, très chère.
(Il s''arrête, regardant entrer Lormois.)
SCÈNE VI
COCHU, LORMOIS, BRIFFOTEAU
Brippoteau, faisant passer Lormois
Entre là mon vieux Lormois, je vais prévenir le capi-
taine I
CocHU
Tiens, Lormois !
Lormois, le regardant
Monsieur, je n'ai pas l'honneur...
LE TAMPON DU CAPISTOW 127
COCHU
Tu ne me reconnais pas ?... Cochu...
LORMOIS
Cochu I... En civil I
Cochu
Avec un bon petit congé libérable, mon gros, et du
linge....
LORMOIS
Ah I mais, qu'est-ce que vous fabriquez ici ?
Cochu
On te l'apprendra bientôt dans la maison, mon cher..
(A Brijjoteau.) Ordonnance, vous préviendrez le capi-
taine que M Lormois sollicite une audition...
LoRMOis, souriant
Une audience !...
Cochu
Si tu veux... (A Brifjoteau.) C'est compris, tête de
lard ? (A Lormois.) Je te demande pardon de te quit-
ter, je vais rejoindre ma fiancée ! Veux-tu un cigare ?
Lormois
Merci 1
Cochu
Ça tombe bien ! je n*en ai justement pas ! (Avec un
geste protecteur.) A tout à l'heure, mon petit ami, à
tout à l'heure !
(Il sort en se dandinant.)
128 LE TAMPON DU CAPISTON
SCÈNE VII
LORMOIS, YVONNE, puis COCHU
Briffoteau, à Lormois
Hein, Lormois, que dis-tu de ça ?... La betterave est
deTemie une grosse légume. La voilà de la famille,
à c't'heure. Je vais t'annoncer au capiston.
(Il rentre à droite, dans le bureau du capitaine.)
Lormois, seul
De la famille... Mais alors, Yvonne a mis sa menace à
exécution. Elle épouse Cochu... ! Ah I c'est incroyable )
Yvonne, entrant
Tiens, monsieur Lormois.
Lormois, pincé
Mademoiselle !
Yvonne
Vous allez bien ?
Lormois
Assez mal, merci.
Yvonne
Voilà quatre jours que je ne vous ai vu. Qu'est-ce
que vous avez donc fait ?
Lormois
De la salle de police, Mademoiselle et je n'ai vu âmt
qui vive....
Yvonne
Oh 1 pauvre Monsieur Lormois I
Lormois
Epargnez-moi votre commisération, Mademoiselle.
le tampon du capiston 129
Yvonne
Mon Dieu, quel ton !... Ah ! je devine... Vous m'en
voulez encore à cause de ce baiser à Cochu !...
LORMOIS
Cochu est plus mahn que moi, lui... Il a su se faire
admettre dans la famille !...
Yvonne
A vous aussi, ce mariage vous déplaît ?...
LORMOIS
Vous ne vous attendiez pas à ce que je bondisse de
joie ?
Yvonne
Qu'est-ce que ça peut vous faire ?
LORMOIS
Moi, rien du tout !... Je vous félicite... et je m'en
vais 1
Yvonne
Hyacinthe !... (Il s'arrête.) Qu'avez-vous, voyons,
on croirait que vous êtes jaloux de Cochu ?
LORMOIS
Cela VOUS étonne ?
Yvonne
Ah ! mon Dieu !... je comprends tout...
LORMOIS
Enfin !
Yvonne
Vous êtes amoureux de ma tante...
LORMOIS
De votre tante !... Moi !...
130 le tampon du capiston
Yvonne
Puisqu . vous êtes jaloux de Cochu I
LORMOIS
Pardon.. Pardon !... Ce n'est pas vous qui épousez
l'ordonnance ?...
Yvonne
Moi ? Vous avez pu croire ?..,
LoRMOIS
Dame ! Après ce baiser...
Yvonne
Un mouvement de dépit... Le notaire m'avait ra-
conté que vous alliez épouser ma tante...
LORMOIS
Il a dit ça ?... Mais c'est un monstre que ce tabel-
lion !
Yvonne
Quand nous le verrons, nous lui dirons deux mots...
En attendant, puisque le commandant n'a pas voulu
vous servir d'intermédiaire, il faut demander vous-
même ma main à mon père !
(Cochu rentre à ce moment, il a Vair très mal à Vaise
dans ses souliers.)
LORMOIS
Parler à votre père, je vous l'ai dit, je n'oserai ja-
mais...
Yvonne
Mais alors, qui s'en chargera ?
LORMOIS
Qui ?... Qui ?...
LE TAMPON BU CAPISTON 131
CocHW, descendant
Qui, mes enfants ? mais votre oncle I
Yvonne et Lormois
Vous ?...
COCHU
Moi, le mari de votre tante... Je vais être, comme qui
dirait votre trait d'union providentiel....
Yvonne, avec doute
C'est égal... je préférerais...
CocHU, V interrompant
Je connais Hector... Et pis, Je sais le prendre... j*
suis diplomatique...
Lormois
Je vous remercie, mais...
CoCHU
Ghers petits.... Embrassez -moi, ma nièce...
(Il embrasse Yvonne.)
Lormois
Permettez...
CoCHU
Embrasse-moi aussi, mon neveu... (Apercevant le
capitaine.) Voilà Hector, laissez-moi faire...
SCÈNE VIII
LES MÊMES, plus LE CAPITAINE
Le capitaine, entrant
^.^i Tiens, Lormois, je suis content de vous revoir. Puis-
^ que le colonel nous quitte, je vous reprends comme se>
il32 LE TAMPON DU GAPISTON
crétaire. Vous me ferez deux jours pour vos bottes qui
ne sont pas à l'ordonnance.
LORMOIS
Merci, mon capitaine.
Cocnu
Hector, il est temps que nous nous occupions du
bonheur de cette enfant !...
(Il montre Yvotine.)
Le capitaine
De ma fille ?...
COCHU
De ma nièce... Je crois qu'elle est aimée par un brave
garçon, loyal et sympathique...
Le capitaine
De quoi vous mêlez-vous ?...
CoCHU
Hector I...
Le capitaine
Je vous défends de m'appeler Hector !
LoRMOis, bas à Yvonne
Ça va mal...
CoCHU
Beau-frère, j'ai promis à ce jeune homme de demander
pour lui la main de...
Le capitaine
D'Yvonne ? Eh bien ! vous direz à l'idiot qui a été
choisir un ambassadeur de votre espèce que ce trait-là
me suffît pour le juger et qu'il ne sera jamais mon gendre.
GOCHV
QueUe soupe au lait !...
le tampon du (apiston 13 3
Le capitaine
Jamais 1
COCHTJ
Attendez donc que je vous explique ! Le prétendant
en question c'est...
LoRMOis, vivement
C'est inutile de le nommer.
Yvonne
Tout à fait inutile...
LoRMOis, même jeu
Puisque le capitaine ne veut rien savoir.
Yvonne
Je ne veux rien savoir non plus.
Le capitaine
A la bonne heure ! Venez tous les deux... (Montrant
Cochu.) Cet être-là a le don de m'exaspérer...
Yvonne, le suivant
Voilà, papa...
Le capitaine
Et puis, de quoi se mêle-t-il ?
^ Yvonne
Oui... de quoi ?
LORMOIS
De quoi ? (Bas à Yvonne en sortant derrière le eapi-
taine.) Ce n'est pas encore ça le fdon !
Le capitaine, à Cochu
Oh ! vous ! ce que vous m'exaspérez !
^"^ Cochu
Dis-moi donc tu, Hector, c'est ridicule; Tu me dii
.^'
^
134 LE TAMPON DU CAPISTON
VOUS, moi je te tutoyé, j'ai Timpression de parler
à mon ordonnance !
Le capitaine, sortant
Oh ! celui-là 1
SCENE IX
COCHU, puis BRIFFOTEAU
CocHU, seul
Qu'il est raboteux, cet homme-là !... Avec ça que mes
godasses vernies commencent à mécaniser mes oi-
gnons., pardon... mes excroissances...
BniFFOTEAU, entrant
Monsieur permet que j'emporte le plateau ^
CoCHU
Briffoteau ?
Briffoteau
Monsieur ?...
CocHU
Toi aussi, tu es fâché contre moi ?
Briffoteau
Pas du tout I
GOCHU
Si... Tu m'en veux de t'avoir enguirlandé tout à
rheur?...
Briffoteau, atner
Si peu I...
CocHU, lui versant à boire
Mais, c'était pour la frime, pour faire le genltleman...
Briffoteau
Sans blague ?
LR TAMPON DU CAPISTON 135
COCHU
Je le le jure ! (Offrant un cigare.) Tiens I... Prends ce
mégot !
Briffoteau
Merci...
CoCHU
Dans le fonds, t'es resté mon vieux poteau, avec rui
qu'on a bouffé du singe ensemble...
Briffoteau
Mon vieux Cochu, je te retrouve I
CoCHU
Et puis, je peux bien de le dire... j'étais jaloux de toi !
Briffoteau
Jaloux ?... A cause de Mélanie ?
Cochu
Ben oui... quoi... ça me chiffonne, l'idée qu*avec toi...
Briffoteau
Mais elle ne veut rien savoir avec moi I...
CoCHU
Tu char.ries !
Briffoteau
Je te le dis... Tout à l'heure, j'ai essayé de l'em-
brasser dans sa cuisine et dans le cou, elle m'a fichw
une baffe 1
CoCHU
Elle t'a fichu ?... Prends encore un cigare !
Briffoteau
Merci... Si tu veux mon avis, c'est toujours toi qu'elle
a dans la peau.
13G t.E TA M TON PU CAPISTON
Cocnu, radieux
C'est toujours... (Lui donnant plusieurs cigares./
Tuas !... Prends le restant de la uode... (On sonne.)...
On sonne, je vais ouvrir I
Briffoteau
Mais non, maintenant c'est plus toi, c'est moi...
(Il sort.)
CocHU, seul
C'est vrai, je suis bête... ! (Avec une grimace doulou-
reuse.) Sacrés vernis !... Je commence à avoir les pieds
sans connaissance I
SCÈNE X
COCHU, BRIFFOTEAU, LE CAPITAINE,
HORTENSE
Briffoteau
Ah ! mon vieux, c'est le commandant...
CocHU
Mon ancien rival !...
BRiyFOTEAU, frappant à la porte du capitaine
iLon capitaine, mon capitaine, c'est ie commandant.
Le CAriTAiNE, entrant
c Vous dites ?
Briffoteau
C'est îe con.mandant qu'est habillé en colonel, et
qui veut vous parler à vous et à M''^ Horiense,
Le capitaine
Ça, pour une tuile... Prévenez ces dames, Briffoem.
y
y
LE TAMPON DU CAPISTON 137
GocHU, à Briffoteau
Et tâchez d'en mettre, abruti !
(Briffoteau sort.)
Le capitaine, à Cochu
Quant à vous, vous allez me débarrasser le plancher..;
je ne veux à aucun prix que le colonel vous rencontre
chez moi, installé en parent...
CoCHU
Voyons, je ne peux pas laisser Hortense en tête à
tête avec son ancien flirte...
Voix DU commandant
Eh bien ! Reverchon, êtes-vous là ?
Le capitaine
Tonnerre ! Le voilà... (A Cochu.) Voulez-vous me
ficher le camp !
GocHu
Hector, soyez raisonnable !...
Le capitaine
Vous refusez de partir... C'est bien... (Allant ouvrir
le placard à gauche.) Entrez là dedans !
GoCHU
Dans le placard aux liqueurs ?
Le capitaine, terrible, le poussant dans le placard
Entrez I... tout de suite... ou je vous passe mon sabre
au travers du corps...
(Il enferme Cochu dans le placard et laisse la clef sur
la porte.)
138 LE TAMPON DU CAPISTON
SCÈNE XI
^
LE CAPITAINE, LE LIEUTENANT-COLONEL.
HORTENSE, YVONNE
Le capitaine
Donnez-vous donc la peine d'entrer, mon colonel I
Le lieutenant-colonel
Bonjour, Reverchon I Vous avez sans doute appris ma
promotion ?
Le capitaine
Avec grand plaisir, mon colonel... (Hortense et Yvonne
entrent. )Ei voici ces dames qui viennent vous féliciter..^
Le colonel
Mesdemoiselles...
Hortense
Colonel... Je suis ravie...
Yvonne
Bravo ! Colonel !
Le colonel
Trop .limables, Mesdemoiselles. Je ne voulais pas
quitter cv>tte garnison sans vous présenter mes hom-
mages.
Hortense
On n*est pas plus gracieux !
Yvonne
Ma tante, si nous offrions une tasse de thé au colonel ?
Le capitaine
Excellente idée... si le colonel ne nous a pas gardé
rancune de certaine réception...
<^
^■
le tampon du catiston 139
Le colonel
Du tout... du tout... vous aviez une brute d'ordon-
nance... (Tout le monde tousse.) Tiens ! vous êtes enrhu-
més ?
Le capitaine
Oui., un peu.
Yvonne
Je vais faire préparer le thé.
(Elle sort.)
Le colonel, à Hortense
Inutile de vous dire, Mademoiselle, que j'emporte à
Laval le mélancolique souvenir d'un projet d'union, que
je caressais vainement.
(Bruit de bouteilles cassées dans le placard.)
Le colonel
Qu'est-ce que c'est que ça ?
Le capitaine
Rien, mon colonel, ce n'est rien.
Hortense
Oh I pardon., j'ai entendu aussi....
Le capitaine
~ Je te dis que ça n'est rien... Ce sont les tapissiers
dans la maison voisine.
Yvonne, rentrant
On va nous apporter le thé.
Le capitaine, bas à Hortense
Hortense... le colonel est charmant... Dis-lui quelque
chose d'aimable.
Hortense
S »it... (Au colonel.) Colonel, croyez bien que j'eusse
l'iO LE TAMPON DU CAFISTON
été ravie de l^er ma destinée à la vôtre... Mais, que
voulez-vous ! lorsque vous m'avez fait votre demande,
mon cœur ne m'appartenait plus.
Le colonel
En effet, j'ai appris que vous épousiez un homme d^
mon régiment... un simple soldat...
Le capitaine
A-ïe, il sait !
Le colonel
Un nommé Lormois...
Yvonne
Lormois ?... Ah ! non !,..
HORTENSE
Mais pas du tout, cclonel 1...
Le colonel
Comment ? Ce n'est pas lui ? Mais alors, maître
Pouponet s'est moqué de moi...
HORTENSE
Ce notaire est un mystiiicaleur...
Le colonel
Mais dans ce cas, sauf indiscrétion, qui épousez-vous ?
Le CAPITAINE, toussant
Hum 1
Hortense
J'épouse un gentleman-farmer... un gros proprié-
taire terrien...
(Bruit jormidable de bouteilles cassées.)
Yvonne et Hortense, effrayées
Ahf
le tampon df capiston 141
Le colonel
On casse des bouteilles.
Le capiatine
Ce sont les tapissiers...
^-'^ HORTENSE
Mais non, ça vient du placard aux liqueurs.
Le capitaine
Mais non...
^
/
Yvonne
Mais si, papa !
Le colonel
Ces demoiselles ont raison, ça vient de ce côté.
(Il ça au plox:ard et Vouvre»)
SCÈNE XII
LES MÊMES, plus COCHU
CocHU, paraissant^ légèrement titubant
Je vous demande pardon !
Le colonel
Qu'est-ce que c'est que ça ?
HoRTENSE
Mon fiancé !
Le capitaine, à part
La brute !
HoRTENSE
Que faisiez-vous là dedans ?
CocHU
Je me soûlais, Hortense...
142 LE TAMPCN DU CAriSfOM
HORTENSE
Hein ?
Le colonel
Que dit-il ?
GOCHU
Je me soûlais sans boire, ce qui est bien désa^'rca-
ble... j'ai cassé deux bouteilles d'ormoniac... raicool
s'était répandue et elle me montait au cerveau...
Yvonne
Mais, qui vous avait enfermé dans ce placard ?
COCHU
C*est le capitaine, Yvonne !
Le capitaine
C'est faux... ou alors, c'est par mégarde...
CoCHU
Oui, par mégarde, pour que je ne voie pas le coloneL
Le capitaine
Taisez-vous, vous ne savez plus ce que vous dites.
Le colonel, à Hortense
Alors, Monsieur est l'heureux élu ?
Hortense
Oui, colonel...
Le colonel, tendant la main à Cochu
Charmé, Monsieur, charmé...
CocHu
Et moi trop-z-honoré, mon colonel.
(Il baise la main du colonel.)
Le colonel
Comment ? 11 me baise la main ?...
LE TAMPÛ DU CAPISTON 143
HORTENSE
Vous êtes fou !
COCHU
Vous m'avez dit qu'avec les personnes distinguées...
Le colonel, à part
Drôle de pistolet ! Où ai-je vu cette tête-là ? (A
Cochu.) Alors, Monsieur, il paraît que vous vous occu-
pez de la culture ?
Cochu
Oui, mon colonel... la culture, ça me connaît.
Le colonel
Qu'est-ce que vous préférez comme engrais ?
Cochu
Le fumier d'humains, mon colonel ou alors le superbe
phosphate...
Le colonel
Vous voulez dire « du superphosphate... » (A part.)
Qu'est-ce que c'est que ce type là ?
COGHU
Eh ! ben ! U est ignorant !
Yvonne, apercevant Briffoteau, qui entre avec
le service à thé
Voici le thé.
Hortense, bas à Cochu
Je vous en prie, Isidore, devant le colonel, soyez
homme du monde.
Cochu
Vous bilez pas ! (A Briffoteau.) Ne secouez pas le
plateau comme ça, espèce de buse I Vous allez casser
notre service en porcelaine de chèvre.
144 le tampon du capiston
Briffoteau
Que Monsieur m'excuse, mais...
COCHU
Tâchez de ne pas répondre, hein ? Ane bâté, face
d'andouille !
Le colonel
Vous êtes sévère, Monsieur...
CocHU
Excusez-moi, mon colonel, de gueuler comme ça,
mais avec ces brutes d'ordonnances !...
Le capitaine
Taisez-Tous donc !
CoCHU
Allez, servez et proprement sans en renverser dans
le cou du colonel, doublure d'huître... (Bas à Brij-
foieau.) C'est pour la frime ! T'auras encore des cigares.
(Haut.) Allez chercher pour le colonel la flûto et en
pain, n'est-ce pas ?... gros tas d'imbécile...
Briffoteau
Bien, Mossieur ! Merci, Mossieur...
(Il sort.)
Yvonne
Combien de sucres, colonel ?
Le colonel
Six morceaux, comme d'habitude.
Yvonne, à Cochu
Et vous ?
CoCHU
Si Hortense m'eusse sucré, j'en eusse réclamé douze.^
LF TAMPON DU CAPI5T0N 145
( i part.) Saloperie de vernis. Faut que j'en ôte
un....
(Pendant ce qui suit, il ôte une de ses bottines.)
Mêlante, entrant, en pleurnichant
V'ià la flûte !
■ HORIENSE
Vous pleurnichez encore, vous !.., C'est assommant I
Le colonel
Pauvre fille !... qu'est-ce que vous avez ?
MÉLANIE
C'est rapport à la flûte, mon colonel. Elle me rappelle
un homme, que j'ai beaucoup aimé....
Le capitaine
«î Vous n'allez pas faire vos confidences au colonel.,
débarrassez-moi le plancher, et au trot...
COCHU
Et au galop I... (Au colonel.) Excusez-moi, le service
est déplorable... Une fois marié, je changerai tout ça...
(A part.) Aïe ! c'est l'autre godasse, à présent... tant
pis... je souffre trop....
(Il retire sa seconde bottine.)
Lb COLONEL
Et vous, Mademoiselle Yvonne, le mariage de votre
tante ne vous incite-t-il pas à en faire autant ?
Yvonne
Oh ! que si, colonel !
Le COLONEL
Ah ! ah I j'ai touché juste !
146 LK TAMPON DU C.AIMSTO'ff
Briffoteau, buttant dans les souliers de Cochu
Ah ! zut, des croqueiiots qui traînent (Il ramasse les
tovliers et les emporte.) Je vais ]("" rangtif.
(Il sort.)
Le colonel, à Yvonne
Nous disions donc, Alademois€lle, qu« vous aviez dis*
lingue un jeune homme...
Yvonne
Oui, colonel, et il ne dépendrait qiio df papa...
Le colonel
Kh bien ! alors ?
Le capitaine
Mon colonel, cest la première n» nvplle...
Cochu, à part
Bon Dieu ! Mes codasses qui se soi;! débinôes...
(Il les cherche pettdant ce qui suit.)
Lk capitaine, à Yvnine
De qui s'agil-il ?
Le colonel, à Yvmn^e
Oui... Voyons, dites-nous ça...
Yvonne
Celui que j'aime, c'est M. Lormois..*;
Le capitaine
Lormois I... Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus vite ?
Yvonne
Tu lui accorduiais ma main ?
Le capitaine
Volontiers, il m'est très sympathique.
LE TAMPON DU CAPISTON 147
Cociii , cherchant ses bottines
Je r;iv;v.i dit... (A part.) Si je connaissais Tenfaut de
salaud qui me les a barbotées.
Yvonne
Oh ! pâpa> que je suis contente... Je brute 4e lui an-
noncer la bonne nouvelle.
Le colonel
Il est ici ? AlorSj allons y tous...
Le capitaine
Allons-y...
(Tout le monde se lève.)
Le colonel
D'abord je dois une rovanciic à ce pauvre jeune
homme quo cet idiot de notaire m'avait fait prendre
en grippe.
Hortense, à Cocku qui reste assis et cherche à
dissimuler ët;s pieds
Eh bien î Isidore, venez-vou» f
GOCHU
Je voudrais bien, mais...
Le colonel
Ah 1 ça, qu'est-ce que vous avez aux pieds ?...
COCHU
Mes croquenots se sont débinés...
Le capitaine
- Oh!
GOCHU
Alors, je suis t'«n chaussettes...
148 LE TAMPON DU CAPISTON
Le colonel, riant
Il est en chaussettes...
COCHU
Pardon, excuses.;. Je vas remettre mes godillots..
(Il sort en marchant sur le bout des pieds.)
Le colonel, au capitaine
Original, votre futur beau-frère !
Le capitaine
Ne m'en parlez pas, mon colonel... Je ne peux pas
le sentir 1
SCÈNE Xlll
LES MÊMES, POUPONBT
r.iUFFOTEAU. entrant et annonçant Maître Pouponetl
Maître Pouponnet...
fil sort.)
Ll CAPITAINE
Tout à l'heure... (Au colonel.) Allons voir Lormois...
(Il se dirige vers le fond.)
Le colonel
Pardon... Un mot à ce notaire... (A Pouponet qtU
'litre, la mine réjouie») Dites donc, vous... Quand on Lit
pas sûr de oe qu*on avance, on se tait I
PoupONBT, interèU
Colonel...
Le COLONBt
Ou alors, on est un vieux crétin I (Au capitaine.) J«
vous suis I...
(Il sort aifec le capitaine.)
LE TAMPON DU CAPISTON 149
Yvonne, au colonel
Pardon ! Uûo seconde... (Allant ver.; Pcuponet.)
Maître Pouponet, vous m'avez fait une (arce stupidc !
POUPONET
Moi ?...
Yvonne
A cause de vous, j'ai failli ne pas me marier... Mon
fiancé vous en demandera raison...
PoUPONET
Mademoiselle...
Yvonne
Voilà ce que vous êtes : un vieux fumiste !... (Re-
montant.) Je viens, papa...
(Elle sort derrière le colonel et le capitaine.)
SCENE XIV
HORTENSE, POUPONET, puis LE COLONEL,
et LE CAPITAINE
Pouponet, à Hortense
Charmant accueil I... Mais, qu'est-ce qu'ils ont con*
tre moi ?
Hortense
Vous êtes un gaffeur, vous avez raconté à tout le
mond^ que j'épousais M. Lormois.
Pouponet
Ne m'avez-vous pas dit vous-même que vous épou-
liez l'heureux héritier ?
Hortense
Eh bien ! oui... Cochu !
150 LE TAMPON DU CAPISTON
POUPONET
Co^hu ?^. Connais pas... Cest le cavalier Lormois, à
qui je viens d'annoncer qu'il hérite de trois millions...
HORTENSE
Lormois... C'est... Ah 1
(Elle s^évanouit.)
Poupon ET, la recevant d-ans ses bras
Hé ! là I. . MademoisoUc...
Le capitaine, rentrant, suivi du colonel
Qui est-ce qui crie comme ça ? (Apercevant Hor-
tense dans les bras de Pouponet.) Hortense !
Le colonel, se précipitant
Elle se trouve mal I...
(Il la prend dans ses bras.)
Le capitaine, entraînant Pouponet à Vécart
Qu'a-t-cUe ?
Pouponet
LUe a cru que c'était Cochu qui héritait des trois mil-
lions de Lormois...
Le capitaine
Lormois hérite... et elle a cru... Voilà donc pourquoi,..
La vieille avare !
Le colonel asseyant Hortense dans un fauteuil
Mademoiselle Hortense.., Il faudrait la dégrafer...
{Il commence à la dégrafer.) Mazette !... La belle poi-
trine I...
Hortense, ouvrant les yeux
Où suife-je ?... Ah ! colonel I...
lk tampon dl* capiâxûn 151
Le colonel
Hortense. re venez à vous I
HORTENSE
Non, colonel, c'est à vous que je reviendrai... si
vous le voulez bien...
Le colonel
A moi l... Alors... cet évanouissement ?
HORTENSE
La douleur de constater quelle supériorité vous ave?
sur Têtre indigne, que je vous avais préféré...
Le colonel
HorbBiise I Tout est oublié I...
SCÈNE XV
LES MÊMES, LORMOIS, YVONNE, COCHU
MËLANIE
Yvonne, entrant, suivie de Lormois
Allons I poltron... Venez remercier papa...
Lormois
Votre main et trois millions, c'est trop de chance à
la fois i
HoftTENSE
La difficulté va être do me débarrasser de cet idiot...
CocHU, entrant suivi de Mêlante; il a remis ses godillots
de soldat.
Viens, Mélanie, je vas leur z*y dire... Ilortense, j«
vas vous crever le cœur, mais je vou<= rf>prends ma main..
IM LE TAMPON DU CAPISTON
HORÏKNSE
Vous ?
COCHU
Pour la donner à Mélaaie... On s'a dans la peau, tous
es deux !
MÉLANIE
Mon Cochu I
CocHu, à Hortense
Tâchez de m'oublier... je vous donnerai ma photo...
Hortense
Merci... Vous pouvez la ^^arder...
(Elle lui tourne le dos.)
MÉLANIE
Elle est vexée...
Cochu
Elle soufTre, pauvre gosse... j'ai tant de charme I
RIDEAU
Bet&&ç«Q. — Imp. jac<}tus ni Demoatroai
FARDS, ACoESSOlKES DE UKIMAGE
Boite coutenant 2 fards ei o hàion.s de ooul.eurs ditie-
rentes, pour se grimer franco 18 »
Rouge en poudre ^4 teintes) : N» 8, rose clair ; N» 12,
rose; N" 18, rouge ; N* 24, rouye foncé. Chaque, /"raMOo. 3 60
Rouge sur plaquette, dit rouge de ville adhè-
rent (4 teintes); N<» 8, rose clair; N» 12, rose;
No 18. rouge; N» 24, rouge fonce. Chaque, franco. 2 40
Crayons grimes 6 teintes), blanc, gris-l)leu, gros
rouge, brun, noir, rouge, . . , . Chaque, ^ranc-o. 2 40
Crayon grime vermillon Chaque. 4 »
Crayons pour les ye»ix (4 teintes). . Chaque, franco. 2 »
Blanc gras (6 lemies), blanc, chair, naturel, rose,
Racliel Rachel foncélpoi porcelaine) Chaque, /'/•anco. 8 »
Rouge gras. . . Le pot, franco. 8 •
Poudre de riz : blanche, rose, Uachel, naturelle.
Chaque, franco, la b îte. 5 •
Pâte à front : N" 17. claire; N» 18, foncée.
' Chaque, franco,
Fards onctueux : N« 1, chair; N«* 1 6is, rose; N» 2, natu-
rel ; N« 2 his, Duniaine ; N» 3, naturel foncé;
N" 3 his, Coo{)er ; No 5, Rachel ; N" 6, Rachel foncé;
N» 20, blanc (les autres nuances sur indicatjpn).
Chaque, franco. 10 »>
Rouge raisin pour les lèvres (en étui) ; N» 0, pâle ;
N° 1, clair: N» 2, foncé .... Chaque, franco. 2 »
Beurre de Cacao pour se dégrin)er 10 »
Vaseline pure ^^ tube 2 »
Koheul Indien (a\ec accessoire.^) 10 -'
Rose gras pour l'éclairage électrique 12 »
Colle pour les Moustaches Le flacon 2 »
Patte de lièvre la. pièce. 3 50
Estompes '» pièce. 0 60
Tortillons ^" douzaine. 1 20
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CinQ teintes différente» (bien désigner;
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•.l'alfirlif spéciale, nous livrons une al fiche papsc-partout, tirapri
très artistique en noir, sur papier teinté, dont ci-après un modèle
rJles seront livrées avec emplacement on bliiiic pour permottn
l'inscription du titre de la pièce et au mémo jirix qTie les précé
dente? : Chacune O fr. 85 ; prises par 10, chacune 0 fr. 65 ; pai
100, 0 f;*. 55, avec ou sans mention : Ville de, etc.
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Sociétés musicales et servir pareil tentent pour toutes les pièces no,
comprises dans ce catalogue
I>'OTA. — En passant les commandes, bien d^signei
la teinte désirée : SRns indicatiou, ut.us enveri-ont
2ell2 «ie aotrs choix.
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2625 Le tanpon du capiston
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